Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1232

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Louis Conard (Volume 6p. 315-316).

1232. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Vendredi soir [1871].
Chère Princesse,

J’attendais toujours un mot de vous, m’annonçant votre arrivée à Paris. Je me suis même présenté rue de Berry au no 22 (au lieu du 18) et je n’ai, bien entendu, trouvé personne.

J’avais écrit à Popelin pour avoir de vos nouvelles ; il ne m’a pas répondu. Enfin j’aurais été en chercher moi-même si, depuis quinze jours, les intrigues dramatiques ne m’avaient complètement absorbé. J’ai eu du mal, je vous assure ! Enfin j’ai réussi, car aujourd’hui même j’ai lu Aïssé aux acteurs ; demain nous collationnons les rôles et lundi les répétitions commencent.

Si je ne suis pas obligé d’être à Paris lundi matin, de bonne heure, j’ai bien envie de lâcher dimanche « la brillante société qui afflue dans mes salons » (ce qui se borne souvent à une ou deux personnes), pour aller chez vous à Saint-Gratien passer toute la soirée. Mais je ne puis rien me promettre encore, puisque mon programme de la semaine ne sera fixé que demain dans l’après-midi.

Je m’ennuie de vous encore plus qu’à Croisset, parce que nous sommes plus près et parce que je vous sais tourmentée.

À bientôt donc et, en attendant, un long baiser sur chacune de vos deux mains.

Long est peut-être inconvenant ? Mais vous savez, Princesse, que je le suis quelquefois au bas de mes lettres.