Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1233
Votre lettre[1] que je retrouve me donne des remords, car je n’ai pas encore fait votre commission auprès de la Princesse.
J’ai été pendant plusieurs jours sans savoir où était la Princesse. Elle devait venir se caser à Paris et me prévenir de son arrivée. Aujourd’hui enfin, j’apprends qu’elle reste à Saint-Gratien, où j’irai probablement dimanche soir. En tout cas, votre commission sera faite la semaine prochaine.
Il faut m’excuser, car je n’ai pas eu, depuis quinze jours, dix minutes de liberté. Il m’a fallu repousser la reprise de Ruy Blas qui allait passer par-dessus Aïssé (la besogne était rude). Enfin, les répétitions commencent lundi prochain. J’ai lu aujourd’hui la pièce aux acteurs, et demain on collationne les rôles. Je crois que ça ira bien. Je fais imprimer le volume de vers de Bouilhet, dont j’ai re-écrit la Préface. Bref je suis exténué, et triste, triste à en crever.
Quand il faut que je me livre à l’action, je me jette dedans tête baissée. Mais le cœur m’en saute de dégoût. Voilà le vrai.
Je n’ai encore vu personne de nos amis, sauf Tourgueneff que j’ai trouvé plus charmant que jamais.
Embrassez bien Aurore pour son gentil mot, et qu’elle vous le rende de ma part.
Votre vieux.
- ↑ Datée du 23 novembre [1871] sur l’autographe (voir Corresp. George Sand-Flaubert, p. 290). La « commission » de George Sand était une demande de secours pour une « respectable et intéressante personne à laquelle les Prussiens n’ont laissé pour lit et pour siège qu’un vieux banc de jardin ». G. Sand réclamait l’appui de la Princesse Mathilde.