Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1281
Par l’intermédiaire de Laporte, je sais que notre affaire est revenue, hier soir, au conseil municipal. Nouvelles chicanes ! Ils ne veulent pas comprendre la question ! Cependant Leplé est nommé rapporteur. « Il demande que vous lui résumiez très succinctement », m’écrit Laporte, « la vie et l’œuvre de Bouilhet, soit une biographie très sommaire et la liste chronologique de ses ouvrages, avec le nombre de représentations de chacune de ses meilleures pièces. »
J’irai demain chez Peragollo, pour avoir au juste ce dernier renseignement. Quant aux autres, ils se trouvent dans la préface de « Dernières Chansons ». Je te prie donc de porter tout de suite chez ledit Docteur ton exemplaire de « Dernières Chansons », en lui faisant savoir que c’est moi qui le lui envoie. Du reste, je lui écris par le même courrier.
Tous ces potins-là, ce mauvais vouloir permanent, cette haine féroce de la littérature m’emplit d’une mélancolie farouche ! (même histoire d’ailleurs pour la statue de G. Sand ! Je suis membre de la commission, dont le père Hugo est le président.)
Lemerre m’a promis pour l’hiver prochain une édition complète des poésies de Bouilhet. Je suis sûr que ça se vendra ; mais ton père devrait agir sur Duquesnel pour une reprise quelconque !
Quant à d’Osmoy, il n’existe pas plus « que s’il était déjà mort » (Lucrèce Borgia, acte II.) Jamais je n’entends parler de ce coco et ne désire pas le revoir, car il m’a blessé jusque dans les moelles. Un protégé de la maréchale Canrobert, M. Gustave Ruiz, m’a demandé la permission de faire un opéra sur la Conjuration d’Amboise, mais je n’en entends plus parler.
Embrasse ta mère pour moi.
Ton vieux solide (il ose se qualifier ainsi).