Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 6/1336

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Louis Conard (Volume 6p. 428-429).

1336. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, samedi, 2 heures 5 octobre 1872.
Chère Caro,

Me voilà revenu dans ma solitude, où je me trouve (pour dire la vérité) très bien, c’est-à-dire tranquille. Il n’en faut pas demander davantage au ciel. Le temps est superbe. Hier et aujourd’hui, je me suis promené après déjeuner, en admirant la nature. Le soleil jouait dans le feuillage et mon chien gambadait autour de moi. Je rêvassais à Bouvard et Pécuchet. Mais je regrettais ma chère Caro, ma pauvre fille. Ce qui adoucit un peu pour moi l’amertume de notre séparation, c’est l’idée que tu vas mieux, il me semble. J’ai été heureux aussi de voir que ton brave mari était mieux dans ses affaires, enfin que « l’horizon s’éclaircissait », comme on dit en politique.

En débarquant du chemin de fer, j’ai été à l’Hôtel-Dieu, où je n’ai trouvé personne. Tout le monde était à la Vaupalière, chez le divin Dubreuil.

Demain je dîne chez Mme Lapierre. Lundi j’aurai à déjeuner Philippe, peut-être accompagné de sa mère.

D’Osmoy m’a écrit, de lui-même, qu’il viendra passer quelques jours avec moi à partir du 15 de ce mois. Aucune nouvelle de Tourgueneff.

Les maçons sont en train de réparer le toit.

Que te dirais-je bien encore ? Je varie mes lectures médicales avec les traités sur l’éducation. J’avale des volumes coup sur coup et je prends des notes. Mes bonshommes se dessinent dans mon esprit et l’ensemble se corse. Telle est la cause de la bonne humeur (présente) de

Vieux.