Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1894

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Louis Conard (Volume 8p. 306-307).

1894. À GUY DE MAUPASSANT.
Mercredi soir [8 octobre 1879].
Mon cher vieux solide,

Caroline m’écrit d’Étretat que vous ne pouvez venir maintenant à Croisset, mais qu’il faut compter sur une visite de vous à la fin du mois.

À la fin de ce mois, c’est-à-dire à la Toussaint même, Heredia doit venir ; nous ne nous verrions pas librement. Donc, venez soit de dimanche en quinze, ou le dimanche qui suivra celui de la Toussaint.

Autre histoire. Dites-moi en quels termes il faut que je vous écrive pour que vous puissiez toucher mon argent du ministère. Vous me l’apporteriez à votre prochain voyage. Sans doute vous savez que maintenant la somme est doublée, sous le nom d’indemnité. Votre ministre me l’a écrit dans une lettre fort aimable ; je l’en ai remercié hier, et j’ai écrit en même temps à M. Rambaud, qui m’a répondu aujourd’hui. On n’est vraiment pas plus aimable que nos supérieurs.

Ça ne va pas, mon cher ! J’ai eu dernièrement une vilaine histoire qui m’a tapé sur la tête et sur le gésier. Je vous conterai cela ! Bref, j’ai rarement été plus gorgé de l’existence.

Et B. et P., naturellement, se ressentait de tout cela ! Et puis je fais des lectures stupides, ou je découvre pourtant par ci par là de belles choses. Que dites-vous de ce titre de chapitre : De la modestie pendant les plus grandes chaleurs ? C’est dans le Manuel des pieuses domestiques, auxquelles on conseille de ne pas entrer en service chez les comédiens, les aubergistes, « les marchands de gravures obscènes ».

Tel est le monde ; quand on n’en pleure pas de rage, on en vomit de regret.

Et vous ! cette santé ? Et les travaux ? Je vous embrasse bien tendrement.

Votre vieux.