Correspondance de Gustave Flaubert/Tome 8-9/1951

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Louis Conard (Volume 8p. 384-386).

1951. À GUY DE MAUPASSANT.
Vendredi, 13 février 1880.

Lapierre m’envoie le numéro de l’Événement du vendredi 13 février (celui d’hier) où je vois que M. Guy de Maupassant va être poursuivi pour des vers obscènes. Je m’en réjouirais, mon cher fils, si je n’avais peur de la pudibonderie de ton ministère. Ça va peut-être t’attirer des embêtements. Rassure-moi tout de suite par un mot.

(Et Aurélien Scholl qui écrit que Littré a dit « que l’homme descend du singe ! » Ô âne !)

J’attends avec impatience les livres qui t’appartiennent, ceux que doit m’envoyer Hachette, ceux que doit m’envoyer Pouchet, et Nana ! Impossible de commencer mon chapitre avant d’avoir expédié toutes ces lectures. Je n’ai rien à faire et me ronge solitairement.

Redis à Zola que je suis enthousiasmé par l’idée de son journal (un autre titre : le Justicier ?). Il y aurait toute une série d’articles à faire sur les Tyrans du dix-neuvième siècle. On commencerait par la littérature et le journalisme. Buloz, Marc Fournier, Halanzier, Granier de Cassagnac, Girardin, etc. ; puis on aborderait les finances : les crimes de la maison Rothschild, etc ; puis l’administration, etc. Le tout pour prouver que les misérables susnommés ont fait verser plus de larmes que Waterloo et Sedan.

Un livre pareil, bien fait, se vendrait à un million d’exemplaires.

Je t’embrasse.

Pour la première fois depuis 1820, un service commémoratif a été dit avant-hier pour le repos de S. A. R. Monseigneur le duc de Berry !!!

J’avais mis dans la chambre où tu as couché le paquet de lettres de la mère Sand, afin que Commanville les emportât. Ce matin, en les réclamant, car ledit Commanville a couché cette nuit à Croisset et est reparti pour Paris, Suzanne nous a dit qu’il les avait prises. Veux-tu que Maurice Sand vienne les prendre à ton bureau ? Dans ce cas, donne-lui un rendez-vous. Ou te charges-tu de les lui porter ? Réponse là-dessus. Il faut que ce soit remis en mains propres.