Correspondance de Victor Hugo/1827

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(tome 1p. 436-444).
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1827.


À Monsieur Victor Pavie.


Paris, le 3 janvier 1827.

Votre lettre, monsieur, m’a tenu tout ce que m’avait promis votre article ; j’y ai trouvé le cœur d’un ami et l’âme d’un poëte ; les deux choses que j’aime le plus au monde.

Oui, monsieur, c’est une grande joie que de se voir compris, et de se voir compris par des hommes d’un esprit élevé. De tous les témoignages qui peuvent encourager et rassurer celui qu’une hasardeuse pensée entraîne vers un monde nouveau, la libre approbation de quelques hautes intelligences est le plus puissant.

Tout jeune que vous êtes, vous appartenez à une classe, la seule privilégiée que fasse la nature ; vous avez ce mens divinior qui place l’homme au-dessus des hommes. Et quoique je connaisse encore bien peu de lignes de votre plume, je n’aurais pas de peine à prophétiser votre avenir.

Vous êtes trop bon de vous occuper de mes opuscules ; mais donnez-moi, je vous prie, occasion de m’occuper de quelque ouvrage de vous. Travaillez, de grâce. Que faites-vous ? Vers quel but dirigez-vous la force intellectuelle que la Providence vous a donnée ? Je présume que vous ne la laissez pas inactive. Confiez-moi tout cela, et pardonnez-moi de vous parler ainsi. Il doit y avoir entre nous confiance et liberté ; nous sommes tous deux à peu près du même âge et de la même nature.

Et, pour vous le dire en passant, pourquoi ne feriez-vous point, par exemple, le livre dont vous me tracez une si frappante esquisse[1] ? Moi, qu’une pensée, bonne ou mauvaise, entraîne plutôt vers les applications que vers les théories, je n’aurai sans doute jamais le temps de le faire, ce grand ouvrage, et d’ailleurs vous le feriez bien mieux que moi.

Au reste, monsieur, suivez librement la voie de votre organisation. Obéissez à votre démon. Vous avez tout ce qu’il faut pour tout faire, l’intelligence qui embrasse la création et l’imagination qui la féconde.

Le chêne est en vous ; laissez-le croître.

Victor Hugo.

Au moment de fermer ceci, je reçois mon Feuilleton d’Angers, où je lis la lettre que j’ai adressée à l’Académie provinciale[2]. Recevez, je vous prie, tous mes remercîments et transmettez-les à monsieur votre père. Vous serez bien aimable de me faire lire le Feuilleton d’Angers toutes les fois que vous y mettrez quelque chose de vous.

Mon adresse n’est pas 30 mais 90 [rue de Vaugirard].


À Monsieur le baron Taylor.


Ce samedi 13 [janvier 1827].

Mon cher Taylor, il vient de se faire une tragédie dans ma famille, et je n’ai pas besoin, je pense, de vous dire qu’elle n’est pas de moi.

Je n’eus jamais prétentions si hautes !

C’est mon jeune beau-frère, qui, (soit dit en passant), pousse l’attachement pour vous jusqu’à la passion, c’est Paul[3] qui est le coupable.

Or, je ne vous ferai pas ici l’éloge de cette tragédie, parce qu’il serait tout à fait suspect dans ma bouche ; mais je ne croirai point m’aventurer en affirmant qu’elle n’a rien à céder à bon nombre de celles qui de temps immémorial sont reçues, montées, représentées et applaudies aux Français.

Seriez-vous donc maintenant assez bon pour nous indiquer quelle serait la marche la plus courte à suivre pour faire arriver notre tragédie au comité des Français. Le jeune poëte désirerait fort être dispensé, s’il est possible, de la formalité de l’examen préalable ; mais il faut d’abord que cette dispense ne viole en rien l’usage établi.

Si vos nombreuses et importantes occupations vous permettaient par aventure de prendre connaissance de la pièce avant qu’elle ne fût présentée, il est inutile de vous dire que vos conseils seraient reçus par Paul avec reconnaissance et avec bonheur.

Le sujet de l’ouvrage est Côme de Médicis.

Je dois ajouter, pour rendre à chacun ce qui lui est dû, qu’il n’y a pas dans la pièce une idée, un vers, un mot qui vienne de moi.

Adieu, mon cher et noble ami, mille pardons d’une importunité qui vous aurait donné l’ennui de ma visite, si la route était plus praticable de mon pôle arctique de la rue de Vaugirard à votre pôle antarctique de la rue de Bondy.

Tout à vous, partout et toujours.

. Hugo[4].


À Monsieur Louis Pavie[5].


Paris, 15 janvier 1827.

C’est moi, monsieur, moi qui vous dois mille remercîments.

Vous voulez bien inscrire mon nom sur la liste des lecteurs d’un feuilleton de province qui vaut mieux que beaucoup de feuilletons de Paris. Vous faites plus encore : vous m’envoyez de vos ouvrages, pleins de maturité, de raison et d’esprit, et des vers de monsieur votre fils, tout étincelants de jeunesse et de poésie. Ce sont là encore vos productions, monsieur, et je ne croirai point déplaire à votre légitime amour-propre de père et d’auteur en vous affirmant que, quelque remarquables que sont vos ouvrages, votre fils est encore le meilleur de tous. C’est du reste ce qu’on a dit d’Homère à propos de Virgile. Dites bien, monsieur, à votre jeune aiglon, à votre Victor, qu’il est un autre Victor qui lui envierait bien, si l’envie se mêlait à l’affection, son beau chant sur David, le Juif, la Mer et le Lac, composition ingénieuse et inspirée, et surtout sa ravissante élégie de l’Enfant. Dites-lui, à lui, qu’il ne cache pas sa tête sous son aile ; son aile est faite pour planer dans le ciel et sa tête pour contempler le soleil.

Si ses dix-huit ans accordaient quelque droit de conseil à mes vingt-cinq (car j’y touche), je n’aurais à lui présenter que des recommandations purement matérielles. Je lui dirais d’être encore plus sévère sur la richesse de la rime, cette seule grâce de notre vers et surtout de s’efforcer presque toujours de renfermer sa pensée dans le moule de la strophe régulière. Il peut changer de rhythme aussi souvent qu’il le voudra dans la même ode, mais qu’il y ait toujours une régularité intime dans la disposition de son mètre. C’est, selon moi, le moyen de donner plus de force à la pensée, une plus large harmonie au style et plus de valeur à l’ensemble de la composition. Au reste, je ne lui donne ceci ni comme des lois, ni comme des règles, mais comme des résultats d’études, bonnes ou mauvaises, sur le génie de notre poésie lyrique. Chez lui, la pensée n’a rien à faire qu’à se développer librement. Je donne quelques conseils à l’artiste, mais je les soumets au poëte.

Adieu, monsieur, recevez de nouveau l’expression de la reconnaissance et de la haute estime avec laquelle j’ai l’honneur d’être

Votre très humble et très obéissant serviteur,

Victor Hugo.


À Victor Pavie.


Paris, 7 février 1827.

Ne croyez pas, monsieur, je vous prie, que vos aimables lettres puissent jamais m’importuner. Bien au contraire, elles me rafraîchissent l’esprit. J’aime ces épanchements d’une âme jeune, ces confidences d’un cœur élevé et naïf. Les sept ans qui nous séparent me font presque vieux pour vous, et si votre amitié veut bien parfois accorder quelque déférence à la mienne, je l’accepterai par le droit d’aînesse et non par le droit du talent.

Je ne vous ai point dit assez, je ne vous ai point dit au gré de mon cœur et de mon esprit, à quel point vos vers m’ont frappé. Ils ont ce caractère qui est celui des grandes choses de notre poésie renouvelée, ce caractère de grâce et de vigueur, ce mélange de jeunesse et de maturité qui est le cachet de tous nos talents supérieurs. Vous êtes un de ces jeunes hommes du xixe siècle qui étonnent par leur gravité et leur candeur les vieillards faux et frivoles du xviiie. Vous me demandez une direction[6] ? C’est me demander ce qui dépasse ma force. Laissez faire votre pensée ; laissez votre nature achever votre éducation : elle est déjà si admirablement commencée ! Vous ferez, monsieur, tout ce que vous voudrez. Je ne sache rien de grand et de fort que ne promettent vos premières poésies. Cet état même de transition où vous êtes et que vous peignez si bien annonce la crise d’une jeune imagination qui se développe puissamment.

Vous avez été assez bon pour citer mon nom dans un article du dernier Feuilleton où s’empreint votre originale pensée. Je vous remercie ; vous voulez qu’aucun sentiment ne manque à mon affection pour vous ; elle a commencé par la reconnaissance.

Adieu, monsieur. Je n’ai que ce conseil à vous donner : faites de beaux vers et d’excellente prose, et cette prière à vous faire : aimez-moi.

V. H.

Mes souvenirs, de grâce, à monsieur votre père, et ne m’affranchissez point vos lettres ; c’est un soin que mes amis ne prennent jamais.


À Sainte-Beuve[7].

Je communiquais l’autre matin à monsieur de Sainte-Beuve quelques vers de mon Cromwell. S’il avait velléité d’en entendre davantage, il n’a qu’à venir lundi soir avant huit heures, chez mon beau-père, rue du Cherche-Midi, hôtel des Conseils de guerre. Tout le monde sera charmé de le voir et moi surtout. Il est du nombre des auditeurs que je choisirai toujours, parce que j’aime à les écouter.

Son bien dévoué
VorHugo.

Une ligne de réponse, s’il vous plaît[8].

Ce jeudi 8 [février 1827].
À Sainte-Beuve.


Ce samedi [mi-février 1827[9]].

Venez vite, monsieur, que je vous remercie des beaux vers dont vous me faites le confident. Je veux vous dire aussi que je vous avais deviné — moins peut-être à vos articles si remarquables d’ailleurs qu’à votre conversation et à votre regard — pour un poëte. Souffrez donc que je sois un peu fier de ma pénétration et que je me félicite d’avoir pressenti un talent d’un ordre aussi élevé. Venez, de grâce, j’ai mille choses à vous dire, ou faites-moi savoir où je pourrais vous trouver.

Votre ami,

V. H.[10]


À Victor Pavie.
Paris, 17 mars 1827.

Votre Dernière feuille est charmante. Vous y avez attaché de certains vers et un certain nom qui mourront comme elle ; mais j’ai été, moi, bien touché de cette preuve d’amitié que me donne votre beau talent.

Vous m’avez écrit une lettre charmante qui m’aurait consolé du Globe et de l’Étoile[11] si j’avais eu besoin d’en être consolé. Ce sont des gens qui m’attaquent, et qui ont leurs raisons sans doute. Je suppose que cela leur fait plaisir ; pourquoi donc m’en affligerais-je ? Je m’en réjouis, au contraire, puisque cela me vaut des lettres comme la vôtre.

J’ai chargé mon libraire de vous envoyer cette Ode à la Colonne qui ne vaut pas ce seul vers

C’était une feuille d’automne.

Adieu, monsieur. Vous me promettez de m’écrire souvent. N’y manquez pas, de grâce. Votre amitié, votre poésie me rajeunissent ; vos lettres sont déjà plus qu’un plaisir pour moi.

V. H.
À monsieur Sainte-Beuve (très pressé).
Ce mercredi soir [1827].

Voici, cher ami, une lettre que je reçois de l’Album. Si vous êtes toujours dans la même intention relativement au Globe, vous pouvez envoyer directement à M. Folleville, dont l’adresse est sur la lettre. Ils sont et seront ravis. Mille fois merci.

Il vuestro hermano,

Victor[12].


À Victor Pavie.
20 mai 1827.

Vous êtes bien heureusement né, monsieur. Vous avez un talent fait pour honorer votre famille et une famille faite pour comprendre votre talent. J’ai vu votre excellent père, et je ne saurais vous dire à quel point je l’ai aimé dès le premier jour. Il a quelque chose de si bon, de si cordial, de si bienveillant, que je ne pourrais souhaiter un autre protecteur aux premières années d’un talent précieux comme le vôtre. Bénissez Dieu tous les deux, il ne pouvait donner un meilleur fils à un meilleur père.

Votre père nous a quittés vite, trop vite, dites-le-lui bien. Mais aux regrets que nous a causés son départ il a voulu mêler une espérance, celle de vous voir bientôt. Votre aimable lettre la change en certitude, et la plus chère marque d’amitié que vous puissiez me donner, c’est de la réaliser bientôt. Vous ferez de belles choses partout, mais à Paris l’esprit a plus d’aliment : les musées, les galeries, les bibliothèques lui ouvrent de nouvelles sphères d’idées ; enfin, tout ce qui s’acquiert est ici, et vous avez déjà tout ce que la nature donne. Votre ami, M. Mazure, a été assez bon pour me venir voir deux fois, et m’a communiqué de fort beaux vers, auxquels il ne manque qu’un éditeur. Le moment est malheureusement peu propice pour qu’un éditeur s’éprenne d’un manuscrit dont l’auteur est inconnu ; mais j’espère être plus utile cet automne à M. Mazure ; je ne me plains que de le voir trop rarement ; il doit penser qu’un poëte qui est de vos amis ne peut jamais me déranger. J’ai été également enchanté de connaître M. David [d’Angers][13]. C’est un homme de beaucoup de talent et de beaucoup d’idées. Il m’a fait voir son atelier, où abondent les belles choses. Je viens de recevoir l’Inauguration du buste de Béclard[14]. Je l’ai lue avec beaucoup d’intérêt. Le discours de M. votre père est surtout remarquable.

Vous n’avez plus besoin maintenant que je vous dise de m’écrire. Vous savez que je vous aime. Dites à votre bon père que le plus sûr moyen de doubler le plaisir que me fera votre arrivée à Paris, c’est de venir avec vous.

Votre ami,

V. H.


À Monsieur Louis Pavie.


26 mai 1827.

Après les beaux vers que votre Victor vient de m’adresser[15], je me ferais conscience de lui envoyer directement mes remercîments et mon admiration en vile prose ; ce serait lui donner du plomb en échange de son bronze et de son or. Permettez donc que ce soit dans votre cœur de père que je dépose mes sentiments de frère et d’ami. Dites à votre Victor qu’il souffre que je le remercie en vous ; vous lui transmettrez ces témoignages trop faibles de mon profond attendrissement, et ils auront plus de douceur en passant par votre bouche. Oui, monsieur, ce sont de bien beaux vers, pleins de feu, d’éclat et de grandiose. Nous devons être fiers tous deux de ces vers, vous comme le père, moi comme le frère du poëte. Je suis bien orgueilleux que cette ode jeune et véhémente me soit adressée, mais j’aurais plus d’orgueil encore si mon nom, au lieu d’être en tête, était en bas. Je n’aurais peut-être pas dû, monsieur, louer tant ces vers où je suis trop loué. Mais c’est une erreur de l’amitié qui a donné mon nom pour titre à cette ode. Ce n’est pas à Victor Hugo qu’elle s’adresse, c’est à un poëte de génie digne d’inspirer un chant si élevé, et moi je ne suis digne que de l’admirer.

Adieu, monsieur ; adieu, heureux père. Embrassez bien votre fils pour moi, en attendant que je puisse l’embrasser pour vous.

À vous bien cordialement,

Victor Hugo.


À Victor Pavie.


Paris, 24 septembre 1827.

Il est vrai, monsieur, que l’état de plus en plus désespéré de ma belle-mère[16] nous livre à de bien cruelles préoccupations, mais il n’a pu me rendre insensible aux deux aimables lettres que j’ai reçues d’Angers depuis votre départ. Il est impossible, en quelque situation de la vie que je me trouve, que je reçoive sans émotion et sans reconnaissance un souvenir de votre bon père et de vous. Loin de là, l’affliction dispose à l’amitié.

Vous avez publié dans le Feuilleton d’Angers deux articles excellents. Vous comprenez les arts en poëte, vous faites de la critique en artiste. Il y a dans votre talent tout à la fois quelque chose de précoce et de mûr. Delacroix[17] est particulièrement enchanté et fier du beau fragment qui le concerne. Il m’a chargé de vous remercier. Continuez cette série d’articles : faites rougir nos journaux de Paris de la supériorité d’un journal de province.

Paul est on ne peut plus touché de ce que vous lui dites d’amical et de fraternel ; il vous écrira un de ces jours. Son drame[18] sera joué dans six semaines ; vous manquerez à ce pauvre Paul pour l’applaudir ou pour le consoler.

Dans quinze jours, vous recevrez Cromwell. Il ne me reste plus qu’à écrire la préface et quelques notes. Je ferai tout cela aussi court que possible ; moins de lignes, moins d’ennui.

Adieu, mais revenez-nous bientôt. Dites à votre excellent père que nous vous voulons absolument pour l’époque du Salon. Il faut aussi que je cause avec vous des monuments gothiques d’Angers. Je vois avec joie que la contagion d’architecture vous a gagné. C’est si beau !

Adieu encore. Vale et me ama.

Votre frère aîné,

Victor.


  1. « S’il me reste un souhait à faire pour votre gloire, c’est que vous mettiez en œuvre un projet que vous énoncez indirectement dans votre dernier volume : poser les bases immuables du Romantisme, de cette poésie que l’on qualifie de nouvelle, parce qu’elle est renouvelée, mais qui peut dater sa naissance à partir du Fiat lux ; démontrer comment la Grèce avec son beau génie, pécha toujours par le fond, puisque sa poésie créa ses Dieux, tandis que la notre en découle ; comment nous sommes portes à replier tout en nous-mêmes, tandis qu’ils s’étalaient tout entiers au dehors ; comment enfin la poésie Romantique n’est autre chose que la poésie d’Homère et de Sophocle, mais retrempée à une source pure, mais régénérée aux eaux du Jourdain. C’est alors que le caractère du poète s’agrandit, qu’il n’écrit plus pour rimer, mais qu’il a une mission d’en haut, et que semblable à l’écho d’une grande voix, il transmet aux hommes des secrets, puisés dans la révélation d’une nature empreinte de Dieu. » (Lettre du 18 décembre 1826.)
  2. Réimprimée dans Littérature et Philosophie mêlées. Appendice. Édition de l’Imprimerie nationale.
  3. Paul Foucher publia une cinquantaine de drames, entre autres une adaptation de Notre-Dame de Paris, en 1850 ; des comédies, des vaudevilles ; il collabora à plusieurs journaux ; sous l’empire, il devint le correspondant politique de l’indépendance belge.
  4. Archives de la famille de Victor Hugo.
  5. Père de Victor Pavie.
  6. « ... Je vous demande un plan de vie, une règle à suivre, comment étudier, comment produire, je vous demande en un mot comment tirer, en l’isolant, quelques étincelles de ce fluide qui se dégage et s’évapore sans clarté. » (Lettre du 18 janvier 1827.)
  7. Sainte-Beuve se destinait à la médecine ; mais dès 1824 il écrivit au Globe des articles de critique littéraire fort remarqués, ce qui le décida, en 1827, à se consacrer à la littérature : les succès qui l’attendaient justifièrent son choix. Il publia plusieurs volumes de vers et deux romans, de grands et beaux travaux sur Port-Royal, mais il dut surtout sa renommée à une critique de plus en plus appréciée qui fit de lui, pendant quarante-cinq ans, un maître très écouté et surtout très redouté.
    En 1827, un article de lui sur les Odes et Ballades qui venaient de paraître lui fit connaître Victor Hugo ; il lui communiqua ses premiers vers, et bientôt s’établit entre eux une intimité, une amitié toute fraternelle, les lettres qu’on va lire en font foi ; en quelques années cette amitié se changea, chez Sainte-Beuve, en une haine maladive : il aimait Mme  Victor Hugo. À quels excès de rage, de vengeance ont pu le porter cet amour et cette haine, on en jugera par ces lettres d’abord, et plus encore par le livre : Mes poisons, journal intime du malheureux Sainte-Beuve, trop disgracié pour n’être pas méchant.
  8. Archives Spoelherch de Lovenjonl.
  9. Note de Sainte-Beuve : « Après mes premiers vers communiqués. » D’après Léon Séché (Sainte-Beuve, tome I), ces premiers vers auraient pour titre : Un jeune poëte italien au tombeau du Taße. — Nos notes sur Sainte-Beuve sont souvent établies d’après la Correspondance générale de Sainte-Beuve, publiée par Jean Bonnerot.
  10. Archives Spoelberch de Lovenjoul
  11. Attaques violentes anonymes contre l’Ode à la Colonne dans l’Étoile du 10 février et dans le Globe du 15 février 1827.
  12. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  13. Célèbre statuaire ; il devint l’ami de Victor Hugo et le resta jusqu’à sa mort. On lui doit, outre le médaillon du poète (1828), deux beaux bustes, dont l’un, celui de 1840, est à la Maison de Victor Hugo. Ardent républicain, David fut nommé, à la révolution de 1848, maire du XIe arrondissement, puis fut élu représentant de Maine-et-Loire à l’Assemblée législative. Emprisonné, puis exilé après le coup d’État, il revint en France et y mourut en 1856.
  14. Béclard, savant anatomiste et chirurgien, inventa et perfectionna plusieurs procéda opératoires.
  15. Ode à Victor Hugo. Feuilleton d’Angers, 20 mai 1827.
  16. Mme  Foucher mourut le 6 octobre 1827.
  17. Eugène Delacroix, peintre célèbre ; son talent puissant et violent, faisant bon marché des procédés classiques, l’avait fait considérer comme le chef de l’école romantique en peinture. Dante et Virgile aux enfers le révéla ; dès lors, il marcha de succès en succès.
  18. Amy Robsart.