Correspondance de Victor Hugo/1868

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1868.


À François Coppée.


5 janvier 1868.

Au moment où je vous envoyais ma poésie irritée, vous m’adressiez votre poésie charmante. La Voix de Guernesey rencontrait en chemin votre douce idylle du soldat et de la servante[1]. Mon éclair se croisait avec votre rayon.

Puissance du poëte ! Voilà le pioupiou et la bonne d’enfants transfigurés. On n’en rira plus.

Quelle élégie vous avez tirée de ces silhouettes jusqu’ici grotesques ! Melancholia. Il faut toujours en revenir à la grande chauve-souris idéale d’Albert Dürer. La tristesse est notre rideau de fond. La vie se joue devant ; Dieu est derrière. Espérons.

Je vous serre les mains, cher poëte.

Victor Hugo.

Voudrez-vous remettre ce pli à M. Paul Verlaine, votre ami et le mien[2].


À Madame Mary Floris.


Hauteville-House, 5 janvier 1868.

Si vous ressemblez à votre lettre, Madame, vous êtes charmante. Votre âme est dans votre lettre, et j’y crois voir aussi votre beauté. Je suis à vos ordres et je me mets à vos pieds.

Victor Hugo.

Voici ce que vous avez bien voulu me demander[3].


À Jules Lermina.


Hauteville-House, 9 janvier 1868.

Mon jeune et brillant confrère, vous complétez votre œuvre démocratique. À la propagande littéraire vous allez joindre la propagande politique[4]. Vous avez le talent, vous avez la volonté, vous avez le courage, et de plus l’épreuve vaillamment traversée. Je vous applaudis.

Le secret du succès, vous l’avez : Franchise. Vous réussirez.

Tenez vos promesses ; tenez-les toutes, et soyez tranquille. Vous vaincrez. Soyez le journal acceptant pleinement la révolution, l’acceptant dans 1789, formule de ses principes, et dans 1830, formule de ses idées ; combattant la réaction littéraire comme la réaction politique ; signalant dans la critique doctrinaire comme dans la politique absolutiste le même effort rétrograde ; dirigeant le socialisme vers les hauteurs, et plutôt du côté du droit que du côté des appétits ; réclamant en tout la libre pensée, la libre parole, la libre association, la libre affinité, la libre publicité, le libre mouvement, la libre conscience ; exigeant l’enseignement pour tous, parce qu’il importe de remplir de lumière l’homme qui est le travail, la femme qui est la famille et l’enfant qui est l’avenir. Admirez le seizième siècle, étudiez le dix-septième, aimez le dix-huitième, et soyez le dix-neuvième siècle.

Vous avez les deux leviers, la force individuelle et la force collective. Personnellement vous êtes un homme, chose puissante, et, par vos amis, vous êtes un groupe, chose invincible. Toutes sortes de talents consciencieux, charmants et vigoureux concourent à votre œuvre.

Courage donc. Déployez toutes vos ailes, couvrez-vous de l’armure des principes, luttez contre la matière qui s’appelle césarisme avec cette toute-puissance impalpable, la pensée. L’absolutisme vous fait face, confrontez-lui la liberté. Il a les soldats, vous avez les idées ; il a son chassepot, vous avez votre âme. Opposez au militarisme le progrès, aux fabrications d’armes l’ascension vers la paix, au papisme la lumière, aux préjugés la volonté de délivrance, au droit divin le droit humain, aux sultans, aux czars, etc., le soleil qui se lèvera demain ; aux échafauds, la sainteté inviolable de la vie, aux parasitismes la justice, aux fureurs le sourire, et, devant le Fusil-Merveille, soyez l’Esprit-Légion. Armée contre armée[5].


À Auguste Vacquerie[6].


H.-H., 9 [janvier 1868].

Cher Auguste, M. Chifflart[7] qui vous remettra ce mot est un grand talent. Il va illustrer les Travailleurs de la mer. Il est venu passer quinze jours avec Gilliatt et moi, et il quitte demain Guernesey pour Paris. Vous verrez ses dessins, et vous comprendrez que j’appelle sur lui votre plus haute cordialité.

A vous, Ahura y siempre.

V. H.[8]


Aux Membres de la Ligue internationale de paix et de liberté[9].


Hauteville-House, 10 janvier 1868.

Je suis avec vous ; seulement je ne dis pas paix et liberté, je dis liberté et paix. Commençons par le commencement. D’abord la délivrance, ensuite l’apaisement. Mais dès aujourd’hui, alliance.

Victor Hugo[10].


À Jules Brisson[11].


Hauteville-House, 12 janvier.

Mon éloquent et courageux confrère, vous me comprenez et je vous comprends. Nous sommes, vous et nous, sur la brèche, vous en dedans, nous en dehors. Vous luttez dans le relatif, nous dans l’absolu ; et tous nous sommes utiles. Nous combattons le grand combat.

Jungamus dextras, gladium gladio copulemus.

Hélas ! ma propagande est nulle. Je suis un solitaire pour de vrai. Je ne puis guère dire du bien de votre excellent journal qu’à l’océan, mon vieux camarade, mais je vous promets de le faire, et peut-être, comme dit Virgile, les vents vous en porteront-ils quelque chose.

Cordial shake-hand.

Victor Hugo[12].


À Jules Claretie[13],
aux bureaux de l’Opinion nationale.


H.-H., 14 janvier.

Vous avez raison, mon éloquent et loyal confrère, votre réclamation, arrivée à temps, eût fait reculer le Théâtre-Français, et maintenu Hernani sur l’affiche. Aujourd’hui le théâtre, ayant honte bue, fera la sourde oreille. Mais le public, non. Vous prenez acte hautement de la lâcheté commise, du dol et du vol, de cette petite turpitude jésuite étranglant Hierro entre deux portes. Qui est maître aujourd’hui dans la maison de Molière ? c’est Tartufe. Il s’appelle Édouard Thierry, a fait ses Pâques entre deux portants, recevant de Dupanloup l’hostie, et de Rouher le mot d’ordre. Je vous remercie de flétrir ça, et je suis certain que, puissant comme vous l’êtes par la conviction et le talent, vous continuerez. Je vous ai écrit sur votre beau livre les Derniers Montagnards. Avez-vous reçu ma lettre ? Je vous ai fait des envois. Vous sont-ils arrivés ? Vous en trouverez encore un dans cette lettre, au verso ci-joint[14], si le cabinet noir n’intervient pas. Je suis un pestiféré, je suis en quarantaine, la police crible mes lettres, la poste vole l’argent de mes timbres-poste, depuis deux mois j’ai dépensé deux cents francs en stamps, et il n’est pas arrivé de mes messages à mes amis pour dix francs ! Telle est l’honnêteté du gouvernement dit impérial. C’est égal, je vous aime de tout mon cœur.

Victor Hugo[15].


À François-Victor[16].


H.-H., 16 janvier.

Victor, tu ne lis plus les journaux anglais. J’y suis passé à l’état de « grand bon homme». Ils m’appellent great good man, comme autrefois leur Wellington. Les journaux illustrés publient la gravure du dîner des 6 000 enfants de Marylebone, et Punch lui-même, tout royaliste qu’il est, glorifie Ruy Blas. — Vous trouverez sous ce pli, mes bien-aimés, une traite de 800 fr. à l’ordre de François V. sur Mallet frères. Comme Victor le désire j’envoie à Adèle 500 fr. faisant trois mois d’avance (février, mars, avril) 450 fr. plus un boni de 50 fr. que je lui laisse. Il y aura lieu en conséquence de reprendre et de compter dans l’argent de la maison les 125 fr. déjà avancés à Ad. pour février et qui feraient double emploi[17]. — Je rappelle à Victor qu’il ne m’a pas envoyé la quittance de loyer du 1er janvier.

Envoyez à votre mère, par votre plus prochaine lettre, la lettre de Julie que voici. — J’espère que vous êtes toujours heureux et joyeux, que Georges Ier grandit et que Georges II grossit. — Serrez toutes les mains d’amis que vous rencontrerez. Certes, il ne faut pas du Roi s’amuse à Bruxelles. C’est déjà trop de Ruy Blas pour ces bons Welches. J’ai écrit à Lermina mon opinion nette sur MM. Sarcey et Proudhon, et je l’ai engagé à lire l’article de Pelletan dans la Revue des 2 mondes. — Garibaldi, Mentana, Ruy Blas, le Christmas, etc., tout cela m’avait fort dérangé, et vous auriez eu le droit de me gronder si je ne m’étais remis bien vite au travail. — Maintenant, je me lève au point du jour, j’écris jusqu’au coup de canon du soir, et je suis content de moi.

Je vous serre tous sur mon vieux cœur.


À Philippe Burty.


H.-H., 20 janvier 1868.

J’ai la bête.

Elle est superbe. Le japonais est le Barye du crapaud. Quel sculpteur ! Venez donc un de ces jours dans mon île voir quel bel effet fait ce monstre à côté de l’autre monstre l’Océan.

Merci con todo el mio corazon.

Victor Hugo[19].


À Paul Meurice.


H.-H., 23 janvier.

Cher Meurice, mon avis le voici :

Rothschild et Pereire seuls peuvent se risquer à faire un journal politique[20]. La situation de la presse va être pire qu’auparavant. Au régime sans frais succède le régime avec frais. On n’était qu’averti, on sera condamné. On n’avait à craindre qu’un commis, on aura à craindre un juge. Le pire valet, c’est le juge. On sera supprimé, plus ruiné. Je ne comprends pas la gauche, qui vote cette loi. Au reste, il n’y a qu’un cri parmi nous proscrits. La gauche devrait protester en masse contre cette trahison qui s’intitule progrès. Il n’y a de possible (et encore !) qu’un journal littéraire. — J’ai reçu la quittance des 618, je ne tirerai sur vous qu’avec discrétion. Comment vous dire à quel point je vous aime.

À Auguste Vacquerie[22].


H.-H., dim. 26 [janvier 1868].

Dites à ma bien-aimée souffrante, je vous prie, cher Auguste, que si elle n’a pas peur d’une traversée de mer, Guernesey lui tend les bras. Sa lectrice de Chaudfontaine lui lira tant qu’elle voudra. Julie écrira sous sa dictée, et moi je ferai tout ce qui pourra l’égayer et la distraire. Le printemps aidant, la santé reviendra. Si elle craint la mer, (un peu dure en effet en ce moment) je hâterai le moment de la réunion à Bruxelles. Et de celle-là vous serez, j’espère. Et quelle joie d’entendre Faust ! — Que vous êtes admirable pour Hernani ! — Merci, merci , merci. Pardonnez-moi ce rabâchage. — Garibaldi m’a répondu. En vers. En vers français[23]. J’ai sa lettre tout entière de sa main. Il est difficile de la publier à cause des fautes de versification dont les brutes de l’Univers-Veuillot triompheraient. La difficulté est tournée par ce que je vous envoie. Soyez assez bon pour vous charger de transmettre ces épreuves. Les journaux feront ce qu’ils voudront. J’ai envoyé directement à M. J. Claretie.

Rendez-moi, cher ami, le service de m’envoyer le Petit Figaro du jeudi 23. Victor me dit qu’il est fait pour moi, et justement je n’ai pas reçu ce numéro-là. J’ai le 22 et le 24. Pas le 23. — Le théâtre Thierry-Vaillant-Doucet enterre Hernani après une recette de 6 000 fr. C’est Tartufe mettant son chapeau sur la tête. — C’est à vous d’en sortir. — Cher Auguste, je suis à vous du fond du cœur.

V.

Voudrez-vous couper ces quatre lignes pour ma femme.

Chère bien-aimée, Auguste te lira ma lettre. Tout ce que tu voudras sera fait. Je ne veux qu’une chose, que tu sois gaie, heureuse et bien portante. — Tels sont les ordres du tyran. Je t’aime profondément et je te serre dans mes bras[24].


À Jules Claretie.


H.-H., 26 janvier.

Merci, mon cordial confrère, pour cette nouvelle page éloquente et charmante. Vous aurez votre dessin. Voulez-vous me le voir faire ? Venez, un des beaux jours de ce printemps, quand je serai à Bruxelles, déjeuner et dîner avec moi place des Barricades. Dans l’intervalle, je ferai sous vos yeux votre dessin, que vous me paierez d’un serrement de main. Vous voyez que je suis très intéressé.

Chose curieuse et qui m’a charmé, Garibaldi m’a répondu en vers, et en vers français. Si vous croyez que quelque chose de ce fait remarquable puisse être publié dans l’Opinion nationale, je vous envoie, ci-inclus, l’extrait des journaux anglais.

Et encore merci. Ex imo.

Victor H.[25]


À Charles. À François-Victor.


H.-H., dimanche 26 [janvier 1868].

Chers enfants, malice de la tempête. La poste n’arrive qu’aujourd’hui dimanche. Je vous ébauche tout de suite une réponse. À mardi une plus longue lettre. 1° Mme  Atwood a payé Kesler. Un draft de 1 250 fr. Je vous l’avais écrit. Voyez mes lettres. Vous pouvez travailler, ce me semble, pour elle. Mais faites bien votre traité. Stipulez tout. C’est important avec les Anglais et les Américains. — 2° Précisément, le Petit Figaro du jeudi 23 ne m’est pas arrivé. J’ai eu celui du 22 et celui du 24. Je prie Victor de m’envoyer par le retour du courrier le n° du 23 pour que je lise l’article de Duchesne sur Ponsard, dont il me parle[26]. — 3° Madame Drouet, heureuse de son Almanach, embrasse maternellement Victor sur les deux joues. — 4° J’ai reçu une lettre excellente de Frédérix. Ne vous brouillez pas. Il y a entre vous, Bérardi, Frédérix, quelque malentendu qu’il faut éclaircir. J’arrangerai cela à Bruxelles. Ne laissez rien s’envenimer. L’invitation du 20 février vous sera faite, sans doute.

Votre chère mère va toujours à peu près de même. Les nouvelles d’Auguste et de sa mère varient peu. Je suis attristé du peu de progrès que fait le mieux. (À propos, avez-vous envoyé les 150 fr. à Laussedat pour votre mère ?)

Garibaldi m’a répondu, chose curieuse, en vers français, (difficiles à publier à cause des fautes de versification dont les Veuillot et autres idiots triompheraient). Heureusement, la traduction anglaise, que je vous envoie, suffit. Vous trouverez sous ce pli la chose, plus mon accusé de réception. Voyez si cela conviendrait à l’Étoile belge. Je l’envoie directement à M. Bérardi, en l’engageant à n’en rien publier. — L’Étoile ne publierait que le fait et non la lettre.

J’ai bien peu de temps pour poser. Cependant, quand je serai à Bruxelles, nous reparlerons du jeune sculpteur de Hal. Avez-vous vu quelque chose de lui ?

Hauteville-House est encombré de visiteurs. L’Angleterre se met à m’adorer. Lettres, journaux, etc., pleuvent. — Tout ceci vous intéresserait. — Je vous serre dans mes bras, mes bien-aimés[27].


À Madame Victor Hugo[28].


H.-H., 6 février.

Chère bien-aimée, vite un mot de réponse à ta douce lettre. Je n’ai encore rien reçu de M. Axenfeld[29] ; rien ne m’arrive qu’après quarantaine. Dès que j’aurai son travail[30], je lui écrirai. Je connais son haut mérite et sa grande intelligence. Dis-le lui. J’embrasse mon charmant docteur Allix ; c’est moi qu’il guérit en me donnant de bonnes nouvelles de toi. Une troupe d’acteurs errants est venue ici me donner une représentation d’Hernani. Entre quatre murs, sans décor, sans rien, comme on jouait Shakespeare il y a deux cents ans. Je me suis vu dans la charrette de Thespis. Du reste, foule guernesiaise, sixty, criant Hurrah pour Hugo, acclamations. — Tu verras la Gazette. Je n’ai plus que la place de te serrer dans mes vieux bras.


À Paul Meurice[32].


H.-H., 6 février.

Oui, mettez ces oiseaux en frontispice aux Chansons des rues et des bois[33]. Cela exprimera un des côtés du livre. Voilà plus d’un mois que je veux vous écrire, et les heures s’en vont pêle-mêle sans que je puisse faire ce qui me plairait le plus. C’est inouï à quel point ma solitude est un tourbillon. Si vous lisiez les deux cents lettres que je reçois par semaine, vous seriez stupéfait. Voudrez-vous remettre à ma femme ce mot pressé. Pardon et merci. Voudrez-vous dire à Auguste que je vais lui écrire. Je vous envoie, ainsi qu’à lui, pour vous demander conseil à tous deux, l’extrait de la Gazette de Guernesey sur Hernani, joué ici. Croyez-vous qu’il faille mettre cela dans les journaux de Paris. Décidez et faites. Avez-vous pensé aux 618 fr., annuité de l’assurance de la rue Ménars ? Que de choses encore à vous dire ! Je vous aime profondément.


À Jules Simon[35].


Hauteville-House, 14 février.

Mon éloquent et cher confrère, vous avez magnifiquement parlé de Ruy Blas. Un ami m’envoie le Moniteur du 11 février[36], et je vous écris, ému. Je ne vous remercie ni ne vous félicite. On ne remercie pas la conscience, on ne félicite pas la lumière. Vous avez en vous votre triomphe.

Je tiens seulement à vous dire que je suis profondément votre ami.

Victor Hugo.

Mettez tous mes respects et tous mes hommages aux pieds de madame Jules Simon[37].


À Paul Foucher.


Hauteville-House, 17 février 1868.

Ton livre[38], mon cher Paul, est bon et charmant. Nous sommes séparés en littérature comme en politique, et c’est un de mes regrets profonds... Tu écris Entre cour et jardin, moi je te lis Entre ciel et terre. De là, peut-être, nos divergences. Ce qui est sûr c’est que je t’aime de toutes les forces de mon vieux cœur[39].


À Auguste Vacquerie[40].


H.-H., 23 février.

Que vous êtes bon, cher Auguste. Votre lettre a été une joie. Ma chère malade décidément mieux, va nous retrouver tous bientôt probablement, vous compris, à Bruxelles, tout cela m’a ravi. Vous me racontez l’incident Kean-Ruy Blas en termes charmants.

Je voudrais bien connaître tous ces braves et vaillants jeunes gens pour les remercier. Serrez pour moi les mains amies.

Voudrez-vous être assez bon pour lire à ma femme la lettre que voici. Je commence à être débordé par la quadruple dépense Paris-Bruxelles-Outremer-Hauteville-House. Quatre maisons, c’est un peu lourd.

Je vous prédis que c’est vous qui serez et qui resterez le vrai maître de Faust.

Tuus


À Paul Meurice[42].


H.-H., 23 février.

On n’est pas exquis sans être profond. Vous le prouvez au public dans vos œuvres, et à moi dans vos lettres. Je vous l’ai souvent dit, vous êtes pour moi tout Athènes. Un applaudissement de vous c’est un bruit de renommée.

Maintenant les figures vivent, vous allez en voir sortir le drame. Mais comme vous le pressentez admirablement ! Vous avez l’esprit sensitive. Vous avez toutes les délicatesses parce que vous avez toutes les forces. Avec quelle tendresse je songe à vous !

Hélas, vous souffrez donc encore ! quelle lumière vous attend au sortir de cette ombre ! Les paradis sont proportionnés, et vous avez droit au plus grand et au plus beau. Je vous aime bien.


À Madame Rattazzi[44].


Hauteville-House, 24 février 1868.

Hélas ! madame, j’en appelle à votre cœur noble et charmant et à votre généreux esprit : après le crime commis à Mentana sur l’Italie, non par la France, mais par l’odieux gouvernement français, je ne puis plus élever la voix en Italie que pour réclamer Rome et acclamer la République. Vous me comprendrez et vous m’approuverez.

Victor Hugo[45].
À Charles et à François-Victor.


H.-H., 27 février 1868.

Mes bien-aimés, 1° la question journal. Dites à Meurice de vous montrer ma lettre. Je la résume ici en deux mots :

— Le régime futur de la presse va être pire que le régime passé. L’avertissement valait mieux que cette chausse-trape légale. On était averti, on sera ruiné. On avait le despotisme sans frais, on aura la tyrannie avec frais. On dépendait d’un commis, on dépendra d’un juge. Un commis est un commis, un juge est un valet. Nulle différence entre un videur de pots-de-chambre et Delesvaux[46]. Bref, on était opprimé, on sera écrasé. Quant à moi, je ne mettrais pas un liard dans un journal en ces conditions-là. Si je fourrais mon doigt dans cet engrenage, j’y passerais tout entier. Je donnerais à Bonaparte la joie de me ruiner. Amendes, confiscations, suppressions, etc. — Je suis donc bien résolu à m’abstenir. Charles avait la seule idée possible, mais leur loi l’a prévue et s’y oppose. Que faire ? Attendre.

Attendre. Faire des œuvres. En somme cela vaut mieux que de faire des journaux. Toi, mon Victor, tu viens de faire un bon et beau volume. Et un gros volume. Quand Charles me donnera-t-il la même bonne nouvelle ? Le succès de sa ravissante monographie de la Zélande devrait pourtant bien l’encourager. Le jour où il voudra s’enfermer un peu à Guernesey, je lui réponds qu’il en sortira avec une comédie à lui, qui sera un chef-d’œuvre. S’il voulait, comme il distancerait les Augier, etc !

J’attends ton livre, mon Victor, et je te crie d’avance tous mes bravos. La partie historique et critique de ta traduction de Shakespeare est une œuvre à part, et de premier ordre. Donc fais-moi ta fresque d’historien à propos de l’Académie. Je te prophétise un grand succès.

Maintenant causons ménage. Je trouve votre marchand de vin un peu cher. Fin mars, je paierai pour vin envoyé à Bruxelles 334 fr. ce qui fait 978 fr. de vin depuis octobre, plus de 2 000 fr. de vin seulement par année. Concluez. Vous trouverez sous ce pli une traite sur Mallet à l’ordre de François-Victor de 800 fr. Vous y joindrez les 150 fr. de Laussedat envoyés par moi (puisque Charles, je le regrette, ajourne de payer Laussedat) — plus le reliquat de 178 fr. cela fera 1 128 fr. dont l’emploi se décompose ainsi[47] :

Je reviens à l’idée journal. En aucun cas je n’y devrais paraître, ni comme bailleur de fonds, cela va sans dire, ni comme inspirateur, on tordrait tout de suite le cou au sphinx. Leur loi est affreusement bien faite. Vous ne pouvez donc que travailler latéralement à un journal comme serait le Globe, s’il vivait. Ce serait à examiner bien attentivement. Vous ne seriez pas libres. Avez-vous conclu quelque chose avec Mme  Atwood ? — Quand j’aurai fini mon roman (sera-ce cette année ? je l’ignore), si vous avez quelque chose de prêt, je crois que mon éditeur serait coulant et vous accommoderait. — Le haussement d’épaules de M. M. ne m’étonne pas. Proudhon sénateur ! mais c’est tout simple. Le proudhonisme sera à la future révolution ce que l’hébertisme a été à l’ancienne. Même phénomène. Un effort contre-révolutionnaire au nom de la révolution. — Je vous embrasse tous, mes bien-aimés. Oh ! que je suis content de mon petit Georges !

Votre mère va très bien. Réunion prochaine[48] !


À Albert Lacroix[49].


H.-H., 6 mars.

Mon cher M. Lacroix, lisez la lettre ci-contre. Vous verrez qu’on espère en moi, ou plutôt qu’on espère en vous à travers moi. Que faire devant des instances si vives ? Si j’étais éditeur, j’essaierais. Je vous adresse M. Frutel[50]. Lisez son manuscrit. Vous êtes vous-même homme de talent ; donc connaisseur. Que l’écrivain conseille l’éditeur. Je ne puis, moi, qu’appuyer vivement le pauvre jeune poëte.

Croyez à toute ma cordialité.

Victor Hugo[51].


À Charles et à François-Victor.


H.-H., 10 mars.

Mes bien-aimés, voici une traite Mallet frères à l’ordre de Victor, de 1 200 fr. qui se décomposent ainsi[52] :

Mon Victor, tu as raison quant à un journal littéraire. Je suis prêt à y être ce que j’étais à l’Événement. Mais je crois que les premiers essais vont se faire en journaux politiques, et là, mon attache nuirait plus qu’elle ne servirait. Même à un journal littéraire, mon drapeau sera dangereux. Cependant ceci :

1830
Journal littéraire


aurait, je crois, chance de succès. Et si vous y étiez, les quatre de l’Événement, ce serait éclatant. Tel est mon verdict. — J’attends le fusil de cet excellent et admirable Morisseaux[53]. — Je vais vous commander une nouvelle pièce de vin. Il ne faut pas le coller. Il vous arrive collé. Et un double collage lui ôte de la qualité. (Recommandation Dargaud).

Mon Victor, à quand ton Académie ? Que fais-tu, mon Charles ? Ici, tout est bien. Je travaille à force. Je suis debout dans ma chambre de verre au point du jour. — Je regrette que rien n’ait abouti avec Mme  Atwood de votre côté. Elle a fort bien payé M. Kesler.

Dumas a publié dans son d’Artagnan comme lui étant adressée en ce moment une lettre que je lui avais écrite en juillet à propos de Hernani. Il en a fait une félicitation pour Kean en supprimant la date. — Mais cela importe peu. — J’avais écrit à M. A. Sirven mon cher confrère, il a imprimé ma lettre en me faisant lui dire mon cher ami. Cela encore importe peu. M. A. Sirven est du reste vaillamment sur la brèche. — Meurice ne m’avait demandé aucune coopération pécuniaire à un journal, mais, consulté par lui, je discutais la question. De là ma lettre. - Oui, votre mère me paraît hors de crise, et j’en suis tout heureux. Qu’Alice se porte bien, et porte bien le tome II inédit, que mon Georges continue ses prouesses de dents et de marche (il a tant d’esprit ! dit sa mère d’ici) et que vous m’aimiez tous, voilà ce que je demande aux dieux[54].

Mon dividende de mars 1868 n’est que de 26 550 fr. (banque nationale).

L’an dernier, 300 actions eussent fait près de 30 000 fr.


À Paul Meurice.


H.-H., dimanche 15 mars.

J’ignore l’adresse de Michelet. Voulez-vous être assez bon pour lui transmettre ce mot. Voilà Michelet aussi qui rabâche la décadence. J’en suis fâché pour lui. Cela a l’air de se sentir morveux. Moucher un siècle comme le nôtre, je m’étonne que Michelet fasse cela. Il a trop de talent pour cette besogne de Veuillot. Veut-il parler de l’empire ? alors qu’il précise. Mais l’attaque au dix-neuvième siècle est œuvre de réactionnaire. J’aime le talent de Michelet, et cette tendance m’attriste pour lui. — Mais vous, vous me consolez de tout. Où en êtes-vous de votre roman ? Moi, je travaille en vous espérant pour lecteur. Un grand esprit, c’est un public. Votre applaudissement me paie.

Si vous voyez Auguste, dites-lui, je vous prie, que je vais lui écrire. — Voici le beau temps, les jours s’allongent, mon île est dans les fleurs. Quelles douces promenades nous ferions, si vous étiez ici !

Je vous aime bien.

Michelet ayant été parfois un peu équivoque à mon endroit, je tiens à ne lui envoyer qu’un applaudissement. Pourtant j’y marque notre désaccord, mais sans le souligner. Il est si bon de rester amis ![55]


À Madame Victor Hugo[56].


H.-H., 18 mars.

Pour ma femme.

Chère amie, je te charge de dire à M. Émile Allix que je suis ravi de ta bonne santé, et je charge M. Émile Allix de te dire que j’ai hâte d’être avec toi à Bruxelles ! Je travaille sans relâche au livre dont tu connais le commencement[57]. Je ne sais si je pourrai avoir fini cette année. Je l’espère, et je fais de mon mieux.

Dis à mon excellent et cher Paul que je n’ai aucune objection à la reprise de N.-D. de Paris. — Oui, Georges est un petit bijou qui a des pattes. Il marche. Je suis enchanté de ses dix dents, et sa croissance est pour moi une joie comme ta guérison. Ce qu’il faudrait, c’est tout le monde ici. Guernesey s’emplit de fleurs. Georges pataugerait dans la mer, et je barboterais avec lui. — Cher docteur Émile, conseillez-leur donc à tous de venir au moins l’an prochain à Hauteville et venez-y, vous et Vacquerie, et Meurice, et tous ceux que j’aime et qui m’aiment. Et toi en tête, chère Femme bien-aimée. Je t’embrasse étroitement[58].


À Auguste Vacquerie[59].


H.-H., 18 mars.

Cher Auguste, M. Philippe Burty m’envoie un splendide sonnet de vous, Éclipse[60] qu’il me demande de traduire en dessin, comme si vous n’étiez pas à la fois le poëte et le peintre. Je recule comme bien vous pensez, et voici ma réponse que je vous prie de transmettre à notre excellent ami M. Ph. Burty. Vous m’approuverez aussi de ne pas faire la préface qu’il me demande. Quelle bonne et charmante lettre vous m’avez écrite et comme vous descendez gracieusement à ces détails de ménage ! Il y a un bon de 300 fr. sur Meurice que ma femme oublie (envoyés avant son départ), mais ne lui en parlez pas, je vous prie. — On m’a demandé de Venise de m’associer à la fête funèbre de Manin. J’ai répondu ceci[61]. J’ignore si la chose peut paraître dans les journaux français. Je vous l’envoie en tout cas. — À quand Faust ? Ne nous faites pas trop languir.

Merci de m’avoir envoyé ces très bons feuilletons de ce journal catholique sur Hernani[62].


À Paul Meurice[63].


H.-H., dim. 25 [mars].

Vous avez fait une femme bien fière et bien heureuse. L’idée que c’est à elle que, dans votre pensée, vous allez adresser les messages de votre grand esprit, cela la transporte et l’attendrit[64]. Cet attendrissement, je le partage. Vous êtes mon doux et charmant ami. Les attaques contre vous sont bien vaines. C’est jeter des pierres à la pure et sereine étoile de l’horizon.

J’ai écrit une page pour l’Espagne[65]. La voici. Voulez-vous transmettre leur exemplaire à Auguste (est-il à Paris ?) et à Émile Allix (j’ignore sa nouvelle adresse). Noble penseur, doux combattant, fier et tendre esprit, je vous aime.


À Monsieur Chassin,
Rédacteur en chef de la Démocratie.


Hauteville-House [mars 1868].
Mon éloquent et cher confrère,

J’ai, vous le savez, déclaré publiquement que je ne coopérerais à aucun journal politique en France, tant que la liberté de la presse n’y serait pas aussi complète qu’en Amérique ou en Angleterre.

Cette heure est loin d’être venue. Je suis donc forcé de m’abstenir.

L’exil, surtout lorsqu’il est volontaire, doit se rester fidèle à lui-même, et vous l’approuvez certainement.

Mais s’abstenir, ce n’est point abdiquer. Je vous envoie ma vive et cordiale adhésion. J’applaudis en vous l’homme de foi et l’homme de talent.

Un grand succès attend votre journal. Vous êtes de ceux qui veulent le progrès tout entier, et qui ont pour point de départ deux grandes dates :

1789, c’est-à-dire la révolution dans les principes ;

1830, c’est-à-dire la révolution dans les idées.

Je vous crie : courage ! et je vous serre la main.

Victor Hugo.
Ancien représentant du peuple (Seine)[67].


À Charles. À François-Victor[68].


H.-H., 7 avril.

M. Chassin demande votre adhésion à tous les deux à la Démocratie[69]. Je vous conseille de la donner purement et simplement (comme ont fait Vacquerie et Meurice) sans souscrire, afin de ne pas refaire le mistake du Peuple. M. Chassin est excellent, mais il a une queue proudhonienne. Se méfier, comme dit Proudhon. — Un pasteur protestant m’a écrit. Charles, sans le vouloir, a froissé l’épiderme du protestantisme hollandais et du ministre Perk de Dordrecht. La lettre est longue, polie, un peu bête. J’ai répondu ceci, qui est la vérité, sans concession, mais obligeante. — On joue ici les Misérables. C’est M. Rousby qui présente « ses respects » à monsieur François. Voilà la commission faite. J’espère que tout est bien place des Barricades. Je vous serre dans mes bras, mes doux enfants bien-aimés.

V.

Ci-inclus l’affiche des Misérables. J’ai reçu des traductions de la Voix de Guernesey en allemand, en anglais, en espagnol, en hongrois, quatre en italien. La dernière signée Nicolas del Vecchio, rédacteur du Popolo à Naples, contient en outre la Voix de Caprera, les vers que Garibaldi m’a adressés,

traduits en italien[70].
À Auguste Vacquerie[71].


H.-H., 16 avril.

Cher Auguste, merci pour votre lettre tendre et bonne. Je m’attendais, hélas, à ce coup profond[72]. Je crois au Revenant que j’ai écrit. C’est pourquoi j’envoie à ma femme des paroles de conviction, plus que des paroles d’espérance. Je pense qu’elle aura confiance comme moi. Parlez-lui dans ce sens.

À vous étroitement.


À Paul Meurice.


H.-H., 19 avril.

Il reviendra. Oui, j’y crois. Cette foi que j’ai, votre tendre parole la fortifie. Qu’il était charmant, ce doux être ! Je crois voir au-dessus de moi sa petite âme. J’entends dans l’invisible son bruissement d’oiseau céleste. Je le redemande à Dieu. Hélas ! par moments, je suis accablé. Ne le dites pas à ma pauvre chère femme. Il m’est impossible de voir dans les sentiers d’ici passer les petites voitures où il y a des enfants. Cela me rappelle Georges dans son carrosse que je traînais sur le boulevard de Bruxelles. Aimez-moi.

V.

Voici mon portrait pour M. Serrière. Remerciez-le et félicitez-le. Le VH en Zélande de Charles a grand succès. C’est bien juste. Et votre roman ? Il me charmera et me consolera[74].


À Auguste Vacquerie[75].


H.-H., 19 avril.

Cher Auguste, je ne puis mieux employer cette heure triste qu’à essayer de consoler. J’écris à M. Edmond Didier. Voici ma lettre. Voulez-vous être assez bon pour la mettre sous enveloppe et la lui envoyer. J’espère que ma douce et vaillante femme a bien supporté ce rude coup. J’attends le retour de notre Georges. Il est en route. Il sera près de nous en juillet.

Est-ce vrai que ce M. Chilly se comporte avec cette indignité de rompre l’engagement de Mme  Jane Essler ? Qu’en dit Meurice ? Une lettre de moi à ce Chilly pourrait-elle être utile ? Je lui déclarerais que c’est la rupture à jamais entre lui et moi, et que je regarde l’offense comme mienne. ? Il hésiterait peut-être. Il a été ma créature dans le passé, il peut l’être encore dans l’avenir. Qui sait ? Ne parlez de cette idée à Meurice que si vous la croyez efficace. Sinon, gardez tout ceci entre nous, et n’en dites rien. Servir Meurice comme il veut être servi, voilà ma pensée unique.

À quand Faust ? Cher Auguste, je suis bien triste, mais je vous aime du plus profond de mon cœur.

V.

Servir Meurice, cela seul pourrait me décider à écrire à M. Chilly. Je vous enverrais la lettre. Vous en jugeriez[76].


À George Sand.


H.-H., 21 avril.

Oui, je souffre, oui, j’espère. Le vôtre est revenu, le mien reviendra. Je le crois, je le sais. Votre lettre si tendre et si haute me donnerait la foi, si je ne l’avais pas. grande âme, je me réfugie en vous. Les paroles qui tombent de votre sommet de gloire sont douces comme la lumière.

Merci[77].


À Théophile Gautier.


H.-H., 29 avril 1868.

Cher Théophile, je viens de lire vos pages magnifiques sur la Légende des Siècles[78]. J’en suis plus qu’ému, j’en suis attendri. Les douces voix arrivent donc encore dans ma solitude. Notre jeune affection est devenue une vieille amitié. Les gouffres qui sont entre nous[79] n’empêchent pas votre regard de chercher le mien et ma main de serrer la vôtre. Vous me donnez une de vos couronnes, vous qui avez droit à toutes. Comme poëte, vous êtes une voix de l’idéal ; comme critique, vous êtes une voix de la gloire.

— Pourquoi donc un laurier a-t-il poussé ici ? — C’est que Pétrarque y a parlé.

Ce qu’on disait de Pétrarque, on le dira de vous :

Où votre critique sème sa parole, le laurier pousse[80].


À Auguste Vacquerie[81].


H.-H., 30 avril.

Dans ma tristesse, les marques de votre amitié me sont bien douces, cher Auguste. Quelle lettre excellente vous m’avez écrite ! Vous m’analysez admirablement ces Sacy, ces Thierry, etc. — Gautier m’a touché par sa grande et belle page sur la Légende des Siècles. J’ai reçu par vous le vigoureux article d’Am. Blondeau. Dans tout ce qui me vient de bon, je vous reconnais. — J’espère que ma chère malade est maintenant tout à fait remise. — J’ai l’intuition que c’est notre doux petit Georges qui va revenir. Avant peu, nous serons tous réunis à Bruxelles. Vous nous y lirez du Faust. Je compte me baigner l’esprit dans votre lumière. Que je voudrais déjà tenir ce livre ! Je travaille, c’est ma ressource contre la tristesse, et j’espère, c’est mon appui dans le travail.

Soy todo tuyo.
V.[82].


À François Coppée.


30 avril 1868.

Cher poëte, je lis vos vers. J’y cherche et j’y trouve le charme. Le charme, carmen, endort la douleur. Je suis en deuil. Je viens de perdre un petit enfant, qui était de mon fils, plus que de moi par conséquent. Dans cette tristesse, je regarde les lilas fleurir, les hirondelles arriver, et votre beau poème rayonner. Vous avez tout mis dans ces Intimités[83], le cœur, l’esprit, la grâce, l’amour, la vérité et les grands coups d’aile. Toujours vous chantez, par instants vous planez.

Moi je vous suis des yeux et du cœur en rêvant.

Tuus.
Victor Hugo.


À François-Victor[84].


H.-H., 2 mai.

Je t’envoie, mon Victor, tes deux cents francs pour mai, plus en avance et en compte 250 fr., en tout 450 fr. en un effet que voici, à ton ordre, sur Mallet frères. Les nouvelles de Paris continuent d’être bonnes. Tu sais comme moi que ta chère mère continue d’aller bien. Nous avons ici un beau soleil et le jardin est plein de fleurs qui me font penser à Georges. Je l’y rêvais courant. Je l’y vois planant. Douce petite âme ! — Charles et ta mère ébauchent, je pense, leur plan de retour à Bruxelles. Il me tarde de vous serrer tous dans mes bras. Je travaille. Th. Gautier a écrit huit pages magnifiques sur la Légende des Siècles. Les as-tu lues ? Qu’est-ce que c’est donc que cette punaise qui s’appelle Francis Magnard[85] ? Je coupe une page cordiale sur toi dans la Revue Moderne. Mon Victor, mon doux et cher enfant, travaillons et espérons. Toute la vie présente est là, toute la vie future aussi.

Je t’embrasse étroitement[86].


À Paul Meurice[87].


H.-H., 3 mai.

Vous ne savez pas à quoi je viens de passer l’après-midi de mon dimanche de deuil ? à relire les Beaux Meßieurs de Bois Doré. Dans ma tristesse, je me suis donné cette fête. Dans ma nuit, j’ai appelé ce rayon. Que c’est charmant, mon ami, — et que c’est émouvant ! La transfiguration du dameret en aïeul (car l’oncle est ici vrai père et vrai grand-père) c’est beau, c’est pathétique, c’est profond. Quant au style, il est délicat et fort. Et quel rude et dramatique cinquième acte ! Je vous ai lu, je vous écris. Acceptez, avec votre bon et cordial sourire, mon vieux feuilleton sur votre œuvre toujours jeune. Votre Mario me fait penser à mon Georges. Il eût été ravissant, lui aussi, il l’était déjà. Cher Meurice, quand vous verrai-je ? Bientôt, j’y compte. Mon esprit est avec le vôtre. Je travaille. J’espère pour juillet le retour de la douce petite âme. Soyez heureux.

V.Bibliothèque Nationale.


À XXX.


Hauteville-House, 17 mai 1868.
Monsieur,

Mon chien s’appelle Sénat.

Il a un collier sur lequel, pour le cas où il se perdrait, j’ai fait graver ces deux vers :

Je voudrais que chez moi quelqu’un me ramenât.
Mon état, chien ; mon maître, Hugo ; mon nom, Sénat.

Il est beau, mais gras.

Je crois ces détails séditieux difficiles à publier.

Cordial remerciement pour votre gracieuse lettre.

Victor Hugo[88].


À François-Victor[89].


H.-H., 22 mai.

Je ne m’explique pas le silence de Paris. J’ai écrit à ta mère et à Charles en réponse à une lettre d’eux du 3 mai. Quinze jours se sont passés. Point de réponse à ma réponse, laquelle pourtant en voulait une. Il me semble qu’Alice s’attarde à Paris, et qu’elle devrait, dans sa situation, ne pas trop ajourner le voyage (six ou sept heures de chemin de fer !). — Voici, mon Victor, un bon à ton ordre de 250 fr. en compte. — Je suis très content que les bons rapports soient renoués avec M. G. Frédérix. Ce que tu lui as dit pour les acteurs est très juste. Le fusil Morisseaux a ici grand succès. Je travaille. Et toi, où en es-tu de ton livre l’Académie nécessaire et nuisible. Ce n’est pas le

titre, mais c’est l’idée. Je te serre dans mes bras, mon enfant bien-aimé[90].
Au même[91].


H.-H. In haste. Dimanche 31 mai.

Mon Victor, voici sous ce pli une traite à ton ordre sur Mallet frères de 700 fr. Les 200 fr. de ton mois prélevés, il te restera 500 fr. sur lesquels tu paieras cet impôt belgiquois (qui me paraît excessif et revient souvent). Le reste tu l’auras en compte pour la dépense de Bruxelles. — Lis la lettre ci-contre qui t’est adressée. Vois si tu peux concéder la chose, à moins que tes traités s’y opposent. Fais une réponse prompte et cordiale. — Mon enfant bien-aimé, il me tarde de te serrer dans mes bras. - Toi et tous.

V.

Je t’apporterai toute la galerie Hugo. A. Garnier m’a remis pour toi un exemplaire complet[92].


À Madame Victor Hugo[93].


H.-H., 11 juin.

Je sais, chère femme bien-aimée, que le statu quo se maintient pour toi dans de très bonnes conditions, et j’espère que notre réunion prochaine à Bruxelles te rendra toute ta santé en nous rendant toute notre joie. — Voici de l’argent en attendant. Tu trouveras sous ce pli une traite à ton ordre sur Mallet frères de 2 600 fr. Sur ces 2 600 fr. paie tes quatre mois de loyer échéant

le 17 juin 1 400
Il te restera en compte 1 200

2,600

Je travaille. Je suis bien content que Charles travaille. Je pense à notre Georges. Je le vois dans le passé, je le revois dans l’avenir.

Ne demande plus d’argent à Meurice. Il m’écrit qu’il n’en a plus à moi, ou qu’il en a bien peu, s’il lui en reste.

Dis à Vacquerie que je vais lui écrire.

Je t’embrasse tendrement.

À François-Victor[95].


H.-H., 25 juin.

Mon Victor, sous ce pli une traite à ton ordre sur Mallet frères de 1 200 fr. qui se décomposent ainsi :

1° Adèle 4 mois d’avance, juillet, août, septembre, octobre. 600 fr.

2° Le loyer de Bruxelles échéant le 1er juillet 500

3° En compte pour la maison de Bruxelles 100

1 200 fr.

En outre, tu vas toucher pour moi le 1er juillet le 2e semestre italien qui est 375 fr. Sur ces 375, je paie pour Charles (dette à Paul Meurice) 250 fr. que je donne à Charles. — Il reste 125 fr. que je partage ainsi :

1° À Charles, 50 fr. ;

2° À toi, 50 ;

3° À Georges pour ses sous de poche quand il va revenir, 25 fr.

Maintenant fais attention :

Les 250 fr. pour Meurice, les 50 fr. pour Charles et les 25 fr. pour Georges ayant été payés directement par moi je m’en rembourse et tu les retiendras sur les 375 fr. italiens pour les appliquer comme suit : tes 50 fr. prélevés qui élèveront ton mois à 250 fr. ; il reste 325 fr. :

1° Ton mois 200 (qui sera en effet 250)

2° Pour la maison de Bruxelles 125

325 plus tes 50 fr.

cela fait 375.

Les 125 fr. ajoutés aux 100 précédents te mettent entre les mains en compte pour la maison de Bruxelles 225 fr.

Tu m’enverras la quittance de loyer pour la joindre aux autres. — Je ne suis pas d’avis de Massillon. Trop petit[96]. Je te donnerai tous les détails que tu voudras.

Tu as écrit à la Jeunesse une lettre charmante ; tu as vu avec quel enthousiasme ils l’ont reçue. — Bourson est abêti par sa Proudhonnerie. — J’ai écrit pour le vin. J’aspire à te serrer dans mes bras, mon enfant bien-aimé.

Dis à M. Lequeux qu’on mettrait les contrefaçons de Napoléon le Petit et des Châtiments à néant par le Victor Hugo de l’exil. C’est là l’affaire à faire. Mais Lacroix me fait l’effet d’un homme que le séjour de Paris fait impuissant désormais.

Je suis ravi du succès de Rochefort[97].


À Paul Meurice[98].


H.-H., 30 juin.

Je vous réponds courrier par courrier. Voici ma réponse aux lyonnais. Vous l’attendiez ainsi, et vous aviez raison. Voulez-vous être assez bon pour la mettre à cette adresse : M. Knohhoch, 3, place Bellecour, Lyon, et pour l’envoyer ?

Cela dit, j’arrive à Césara[99]. Quelle émotion ! le juge naturel ! je savais bien qu’il viendrait, et il me bouleverse. Comme c’est vrai, triste et grand ! Votre conseil des ministres est peint comme d’après nature. Le petit empereur dédaigneux est un profil de médaille antique. Vous avez un burin de graveur sur diamant, et puis tout de suite de grands coups de pinceau, qui peignent tout le cœur humain avec un mot.

J’attends la suite. Nous attendons, vous donnez ici la fièvre à deux âmes. C’est beau et profond. Je suis chargé d’admirations que je vous transmets et je vous serre dans mes bras.


À Auguste Vacquerie[101].


H.-H., 5 juillet.

Cher Auguste, voici une lettre pour St-Victor. Il va sans dire que je fais ce qu’il me demande. En voici une autre pour le directeur de la Gaîté. Lisez-les toutes deux et soyez assez bon pour les transmettre. Vous avez, avec Meurice, réglé les conditions pour Ruy Blas à l’Odéon. Voulez-vous, avec lui, les régler à la Gaîté. M. V. Koning m’offre une prime, m’écrit Charles. Quel en serait le chiffre ? Fixez-le. Dans tous les cas, il faudrait dire qu’elle serait restituable au cas où la pièce serait empêchée (comme je le crois). C’est égal, M. Koning est un brave. — Je serai bien heureux de vous voir à Bruxelles. Mais oui, Didier vous a déshérité. J’en suis fâché pour lui. Je

serai charmé de voir St-Victor. Que je voudrais être à Wildbad ! Je travaille. Dites-le à ma chère femme. Ô grand esprit, à quand Faust ?[102]
À Paul Meurice[103].


H.-H., dim. [5 juillet].

Notre enchantement continue. Toute cette suite empoigne et charme. Miriam suppliante, quel chapitre exquis ! Un sacrifice, quelle récompense ! et dans Sylvius furieux, ce mot sur Dieu : bah ! faisons-lui crédit ! — Au reste, si je voulais, en vous lisant, faire la gloire aux mots, il faudrait mettre une couronne au bout de chaque ligne. C’est une œuvre émue et grande. L’envie est humaine. Ah ! que de cris vrais ! mon doux et noble poëte, je vous désire tout ce que vous voulez, je demande pour vous toute la lumière qui peut tenir sur une tête et dans un cœur. Qui aura droit d’être heureux si vous ne l’êtes pas ! Je suis fier que les Châtiments soient le livre qui vous dit : va ! comme au cheval de Job, comme au Pégase d’Orphée. Allez, et triomphez. Je vous applaudis à quatre mains.


Au même.


H.-H., 9 juillet.

Fin superbe. — C’est beau, ce béni malgré lui. La larme finale coule du cœur du lecteur en même temps que des yeux de Césara. Je me suis rencontré avec vous (mon livre inédit) pour l’homme qui se voit dans la glace et ne se reconnaît pas. Mais chez vous c’est une beauté, chez moi ce n’est qu’un détail. On ne s’apercevra même pas que je vous ai coudoyé. Honneur que j’ai et qui m’est cher...

Tout ce que vous me dites sur Koning[105] et la Gaîté est excellent et coïncide avec une lettre parfaite d’Auguste. C’est la raison même, et je suis pleinement de votre avis. Vous serez assez bon, si l’affaire a une suite sérieuse, pour régler les conditions, n’est-ce pas ? Comme vous avez fait pour l’Odéon.

Je griffonne en hâte, car la poste va partir.

Tuus. Ex imo.

J’ai des admirations pour vous que je mets dans ce coin.

V.

Soyez heureux et fier. Vous avez fait un beau livre. Comme nous en jasons ici ! — Je suis ravi que vous fassiez le Mouvement littéraire à la Liberté. Qu’un maître soit juge, cela fera contrepoids à tant d’écoliers et de cuistres qui sont jugeurs.

Puisque vous m’y autorisez, je tirerai sur vous pour Charles.

Cet archevêque, quelle figure ! quel implacable pardon ! quel viatique pour le ciel en passant par l’enfer. C’est bien beau. Je rabâche. Mais pardonnez-moi. Je vous aime[106].


À Lia Félix[107].


Hauteville-House, 9 juillet 1868.

L’honneur, madame, est pour moi. Rachel et Rebecca dans Angelo, Lia Félix dans Ruy Blas, je serai fier de voir, mêlés à mon œuvre, ces trois rayons d’une grande famille d’artistes. Rachel et Rebecca revivent dans votre beau talent. Je mets à vos pieds tous mes hommages.

Victor Hugo[108].


À François-Victor.


H.-H., 9 juillet.

Mon Victor, ci-inclus une traite à ton ordre de 250 fr. Je n’ai que le temps de la jeter à la poste. Tu sais en quelle extrémité est Gustave Flourens. Je vais écrire un mot pour lui ; je te l’enverrai.

Pour éviter le 13, soude ensemble Fontenelle et Massillon, le savant et le prêtre[109].

Fontenelle est un bon écrivain, meilleur que Massillon. Tu ne ferais des deux qu’un seul numéro. Ce serait ce qu’on appelle en philosophie une caraitéristique.

Au reste, nous allons bientôt causer.

Tendre embrassement[110].
À Auguste Vacquerie[111].


H.-H., jeudi 9 [juillet 1868].

Vous avez raison, comme toujours. Voici une nouvelle lettre pour M. V. Koning. En tout, faites, et faites pour le mieux. Je ne crois pas du tout à la représentation, mais un essai, s’il est sérieux, serait bon. — Si vous voyez Charles, dites-lui que j’ai sa lettre excellente, et que j’attends, pour lui écrire, « les comptes de Marianne » qu’il m’annonce.

Nous sommes ici dans un poêle, vous devez être dans une fournaise à Paris. — Voulez-vous être assez bon pour faire parvenir cette lettre à M. Robert Halt, dont j’ignore l’adresse.

En revenant de la Forêt Noire, vous nous lirez du Faust. Enfoncé, Gœthe ! In hac spe, salve.

5 h. Au moment de fermer ceci, m’arrive la lettre de Charles (du 2 juillet) retardée pour affranchissement insuffisant. Voudrez-vous le lui dire ? Les comptes de Marianne y sont. Mais il est trop tard pour envoyer de l’argent. J’en enverrai demain, avec réponse[112].


À Paul Meurice[113].


H.-H., 10 juillet.

Moi tous les jours. Je viens de lire votre préface. Page haute et profonde. Il est du bâtiment, mot charmant en même temps que grand mot. Chemin faisant, par le poëte, vous prouvez Dieu. Vous êtes un lumineux Chevalier de l’esprit[114]. Je demande le plus tôt possible la fin de la série. Je reviens à Césara encore une fois. Leur dernière nuit d’amour, que c’est beau et douloureux.

Voulez-vous être assez bon pour remettre à Charles le plus tôt que vous pourrez, pardon de mon importunité, 1 500 francs avec le petit mot que voici. Je vous demande la permission de tirer directement sur vous par la banque de Guernesey pour les 1 500 fr. restant sur les 3 000. — M. Mario Proth m’a envoyé son Astrée, mais non son adresse. La savez-vous ? Voulez-vous lui transmettre ceci ? — Pardon, merci. Merci, pardon. Je vous serre dans mes vieux bras.

V.

Vacquerie et Charles vont partir. Ruy Blas va se retrouver dans vos mains. Où peut-il être mieux ? - À bientôt, n’est-ce pas ? — Je ne crois pas du tout à Ruy Blas, ainsi joué. Ce gouvernement dira non[115].


À Auguste Vacquerie[116].


Dimanche 12 [juillet 1868]. H.-H.

Cher Auguste, vous connaissez M. de Pêne, rendez-moi le très grand service de le voir vous-même et de lui remettre cette lettre (lisez tout, y compris la chose sur G. Flourens que vous approuverez, je pense). M. de Pêne a été charmant pour moi, soyez charmant pour lui de ma part, mais, sans le blesser en rien, dites-lui bien, preuve en main, qu’il m’est impossible de coopérer, d’une façon quelconque, à un journal politique. Si le Gaulois est politique, même une simple communication littéraire serait impossible. Elle me ferait manquer à mon engagement. Je m’y suis publiquement engagé. Une nuance politique suffit pour qu’un journal cesse d’être littéraire, et je devrais absolument m’abstenir. La lecture de la lettre vous mettra au fait de tout. Je confie cette délicate affaire à votre admirable amitié. Tuus.

V.

Expliquez au recommandé de M. Legault la réserve qui m’est imposée.

Et encore merci[117].


À Charles.


H.-H.,dim. 12 [juillet 1868].

Veux-tu, mon Charles, demander de ma part à notre cher Émile Allix son aide, et à vous deux, soit par la poste, soit en personne, distribuer ces exemplaires d’une chose que je viens d’écrire et que je crois utile.

Il s’agit de Flourens qu’on met tout doucement hors la loi en Grèce. Lis. Tu approuveras. Je ne crois pas que les journaux puissent publier cela. Envoie toujours. Ils feront ce qu’ils croiront à propos. Je n’ai plus que la place de vous embrasser tous, votre bien-aimée mère en tête.

J’ai envoyé à la Liberté, au Siècle, et au Charivari. — Et aussi à H. Rochefort dont j’aime le grand succès[118].


À Paul Meurice[119].


H.-H., 18 juillet.

Que vous êtes bon de me demander ça[120] ! Je n’osais vous offrir si peu de chose, cette petite page après les puissantes et fortes pages de Césara. (Vous avez reçu, n’est-ce pas ? ma lettre sur votre belle préface, ô chevalier de l’esprit, ô paladin du cœur !) — Nous causerons à Bruxelles, car j’espère bien vous y voir, et vous y avoir[121].


À Monsieur Ch. Dubois de Gennes.


Bruxelles, 24 juillet 1868.

Madame Victor Hugo m’a remis, monsieur, votre lettre si digne et si noble, et vos charmants articles, où vous prouvez combien le cœur a d’esprit[122]. J’ai eu autrefois ce qu’on appelle crédit et puissance, et il paraît que j’ai pu vous être bon à quelque chose. Vous voulez bien vous en souvenir. Je vous en remercie.

D’ordinaire, être absent, c’est être oublié. Votre nom d’ailleurs m’était resté présent à l’esprit, et il était pour moi synonyme de loyauté et d’intelligence.

En vous recommandant à mon cher et regretté ami d’Elchingen, je me faisais caution de votre élévation d’âme et de caractère ; dans le soldat, en vous, je pressentais presque l’écrivain. Je devinais votre noble et vaillant esprit. J’avais raison. Vous le prouvez aujourd’hui.

Je vous serre la main.

Victor Hugo.
À Alfred Asseline.


H.-H., 25 juillet.

Cher Alfred, Julie me dit le profond malheur qui te frappe[123]. Le deuil est sur toi comme sur moi. Quel coup pour la pauvre mère ! Heureusement, elle sait que les âmes s’attendent hors de la vie et se retrouvent dans la lumière. Dis-lui ma profonde sympathie et reçois mon plus cordial serrement de main.

Victor Hugo[124].


À François-Victor[125].


H.-H., samedi 25 [juillet 1868].

Je reçois ta lettre, mon Victor. Je t’avance, comme tu le désires, tes mois d’août, 7bre et 8bre. Tu trouveras ci-incluse une traite sur Mallet frères, à vue, à ton ordre, de 960 fr. qui se décomposent ainsi[126] :

Ta mère, arrivant ce soir même samedi, apportera de son côté l’argent qu’elle aura d’excédent sur les 1 000 fr. que Meurice vient de lui remettre.

Depuis deux jours le vent souffle en tempête ; cependant il mollit un peu. S’il tombe d’ici à demain, lundi sera le jour du départ et mercredi 29 serait le jour d’arrivée à Bruxelles. Si la tempête continue, le départ serait ajourné jusqu’à mercredi 29, ce qui mettrait l’arrivée au vendredi 31. Tu sais mon peu de goût pour le vendredi, ce qui, joint à la soif de vous embrasser tous me fait vivement désirer de pouvoir partir lundi 27 ; cela dépendra du temps et du vent.

Deo volente.

Dim. 26. 9h du matin. La pluie a abattu le vent. Il est ouest, mais faible. Si rien n’empire, nous partirons demain lundi. Recommande à Marianne de me tenir ma chambre prête et mes vêtements du matin, pantalon à pied, pantoufles, etc. Plus une bouteille de très bon café froid. — Pauvre Thérèse ! — Je pense que Charles est revenu tout de suite de Spa.

J’embrasse ta bonne mère et toi, et tous. Quel bonheur, bientôt ! À mercredi !

À Albert Kœmpfen[128].


Bruxelles, 1er août.

C’est de Bruxelles, monsieur et honorable confrère, que je réponds à votre lettre charmante et cordiale. Vous m’avez presque fait entrevoir l’espérance de vous Y serrer la main. Je suis encore ici pour huit jours, et si vous nous donnez la fête de vous voir ici, j’espère que vous voudrez bien, matin et soir, considérer ma table de famille comme la vôtre. Je connais votre esprit, je voudrais connaître votre personne. Je sens en vous cette belle chose : le talent appuyé sur la conscience. Le Temps est malheureusement regardé par le groupe des proscrits du dehors comme un journal réactionnaire en littérature et en philosophie. Vous lui rendez le très grand service de l’accentuer dans le sens révolutionnaire. C’est que la révolution, c’est le seul air respirable désormais aux penseurs comme aux peuples. 1830 est littérairement la même date que 1789 politiquement. M. Armand Carrel a méconnu cette vérité. Je ne vois pas qu’il s’en soit bien trouvé. Il s’est mis en dehors du mouvement, et il a tourné le dos au présent comme à l’avenir. De là, pour lui, l’oubli. Vous aidez le Temps à se redresser chaque fois qu’il verse dans cette ornière de la réaction. Je vous en félicite, et j’en félicite mon ancien ami M. Nefftzer. Que je voudrais causer avec vous ! Voulez-vous me permettre d’espérer votre présence, et de presser vos mains dans les miennes ?

Victor Hugo[129].


À Paul Meurice.


Bruxelles, 5 août.

Vos idées ne peuvent se perdre. Depuis deux jours M. Albert Millaud est ici, avec force propositions pour moi. Mon œuvre individuelle est désirée par M. Millaud ; moi je préférerais voir mettre au jour une œuvre collective, votre idée de l’Encyclopédie du 19e siècle. J’en ai parlé à M. Alb. Millaud, qui vous verra.

Tout pour tous.
Répertoire de l’Esprit humain
au xixe siècle.

Ce serait le titre, et je crois, vous aidant, à une grande chose, à un grand succès, et à un grand résultat. J’espère bien vous voir, et mûrir tout cela à votre chaleur et à votre lumière.

Je n’ai pas reçu le projet de traité de M. V. Koning. Il l’a probablement envoyé à Guernesey, d’où je suis parti le lundi 27 juillet. — Le Gaulois étant un journal politique, je n’y puis rien donner. Cela ne m’empêche pas d’aimer beaucoup M. de Pêne. Dites-le lui.

Et je vous serre dans mes bras.


À Auguste Vacquerie[131].


Bruxelles, 7 août.

Êtes-vous de retour ? Je voudrais, cher Auguste, que cette lettre vous serrât la main à votre arrivée. Je n’ai pu vous écrire à Wildbad, n’ayant pu retrouver ici dans ma cervelle le Kumpf, Krumpp, ou Kromff, de l’Hôtel formidable choisi par votre toute-puissance atteinte d’un rhumatisme. J’espère que votre rhumatisme est resté dans la Forêt-Noire, quant à votre toute-puissance, je la retrouverai dans Faust. Nous sommes ici tous réunis, vous désirant. J’attends le doux retour de mon petit Georges. Alice tarde. Ma femme veut et ne veut pas qu’on lui dise qu’elle est maigre, mais elle est gaie et mange bien et dort bien. Aujourd’hui, je renvoie à M. V. Koning le traité ""Ruy Blas signé, avec une réserve (politique) que vous approuverez. Je réponds en même temps à M. Raphaël Félix. Meurice m’écrit que Michel Lévy veut me faire des offres. Qu’il se hâte, car je suis pressé par d’autres, et un peu tenté. Je vais finir ici ce roman. Mais je publierai en volume auparavant. Vous savez l’offre Millaud ? Nous comptons vous voir bientôt, et je vous embrasse, con toda mi alma.

V.

Dites à M. de St-Victor combien nous l’avons regretté ici. Nous avions fait ce beau rêve de vous avoir tous les deux à notre table douce et intime de la place des Barricades[132].


À Paul Meurice[133].


7 août.

Ma femme, excusable par son état de souffrance et de lassitude, avait en effet oublié le message. Je l’ai, et j’y réponds tout de suite. Voici un mot pour M. Raphaël Félix. Voulez-vous le lui transmettre ? et transmettre aussi à M. V. Koning le traité signé. Ma signature est précédée d’une réserve que vous approuverez. Je voudrais que M. V. Koning me répondît en transcrivant dans sa lettre et en acceptant cette réserve sine quâ non. Voulez-vous être assez bon pour le lui dire. Vous avez dû voir M. Albert Millaud. Son père, qui n’avait pas tout compris, aura compris maintenant, et vous verrez que ma pensée est d’accord avec la vôtre. Quelles sont les propositions de Michel Lévy pour le roman ? Il serait urgent qu’il me les communiquât. Car j’ai des offres, tentantes et pressantes. Mais ce qui me ravit c’est que vous faites un drame. Bravo final !

(J’aurais été content de voir M. V. Koning), mais cela le regarde.

Il importe que les deux copies du traité Koning portent les deux signatures. Les tribunaux ont décidé qu’une seule était cause de nullité. Avertissez M. Koning qu’il ait soin de signer son exemplaire.

Je ne me console de ne pas vous voir qu’en songeant à votre nouvelle œuvre promise. À défaut de votre main à serrer, j’aurai votre pensée à applaudir[134].


À Auguste Vacquerie[135].


Dim. 12 août.

Ecce iterum. Je continue ma fonction d’envoyeur du bulletin. Un peu d’amélioration, mais très lente toujours[136].

Merci pour tout, cher Auguste, et dites à madame Lefèvre tous mes remercîments. Je travaille en effet, mais ce que je fais n’est pas encore visible. On ne montre à un maître comme vous que la chose faite. Si j’avais une œuvre finie, il va sans dire que vous auriez tous les droits sur elle. Le ciel belge me donne une hospitalité mouillée, il pleut ici à verse. Mais venez et lisez, ce sera du soleil.

À vous, cher Auguste, du fond de mon vieux cœur. Y venga usted pronto.

V. H.[137]


À Monsieur Léonard Chodzko.


Bruxelles, 12 août 1868.
Monsieur,

Le désir que vous m’exprimez, au nom de la Pologne proscrite, me touche et m’honore. C’est de Belgique que je vous réponds. Un devoir de famille, qui m’a appelé à Bruxelles, m’y retient, et me privera, à mon grand regret, de l’honneur d’assister à la solennité que vous présidez.

Je serai avec vous, quoique absent. La vraie présence, c’est la solidarité.

Où palpite l’âme de la Pologne, le cœur de la France bat.

La proscription grandit ce qu’elle croit abattre. La Pologne a gagné ceci à son martyre, qu’elle est restée une nation et qu’elle est devenue un symbole. La Pologne aujourd’hui représente les nations. Pas un peuple, à cette heure, qui, ainsi que la Pologne, ne soit supplicié. La Grèce est mutilée dans sa nationalité, l’Italie dans sa grandeur, l’Irlande dans sa conscience, la Hongrie dans son indépendance, la France dans sa liberté. Mais l’avenir, c’est la restitution. Aucun peuple n’est dans le sépulcre. La Pologne, demain, sera debout. Nous sommes saignants comme elle, elle est vivante comme nous.

Je m’associe du fond du cœur à votre communion auguste.

Victor Hugo[138].


À Monsieur Polydore Millaud[139].


Bruxelles, 17 août 1868.
Monsieur et ancien ami,

De nos conversations avec M. A. M., votre fils, il résulte ceci :

Immédiatement après la signature du traité spécial pour le livre Tout pour tous[140], entre vous, d’une part, et M. Paul Meurice, et mes deux fils, Charles et François, d’autre part, je me considérerai comme engagé :

1° À vous donner pour le livre Tout pour tous une préface ayant au moins l’étendue de l’introduction de Paris-Guide. Cette préface sera payée par vous à raison de cent francs la page, en prenant pour type et modèle de la page, tant pour la justification que pour le nombre de lignes ou de lettres, l’édition belge princeps (1862) des Misérables en dix volumes. — Moyennant ce prix, payé comptant à la livraison du manuscrit, vous aurez le droit d’imprimer à un nombre illimité d’exemplaires et pour un temps illimité cette préface dans le livre Tout pour tous, sans pouvoir l’imprimer et la vendre à part dans un autre format, l’auteur se réservant la propriété de son œuvre sous tous les autres formats que le format du livre Tout pour tous.

2° Si vous persistiez à souhaiter que je vous donnasse, outre cette préface pour le livre Tout pour tous, la rédaction faite par moi de vingt-quatre mots à mon choix dans le livre Tout pour tous, ces 24 mots ayant pour type et modèle les quatorze esquisses-examens au chapitre les génies du livre William Shakespeare, vous paieriez ensemble, la préface et les 24 mots, le prix d’un volume entier, c’est-à-dire quarante mille francs payables comptant à la livraison du manuscrit.

Dans le dernier cas, vous auriez le droit de publier, outre la publication dans le livre Tout pour tous pour un temps illimité, la Préface et les 24 mots réunis en volume à part, et dans tous les formats, pour douze années, à partir de la signature du présent traité, sans pouvoir réimprimer à part ladite préface et les 24 mots pendant les deux dernières années de votre jouissance. L’auteur pendant ces douze années n’aurait plus que le droit de publier cette préface et ces 24 mots dans ses œuvres complètes, sans pouvoir vendre le volume séparément. Du reste, dans ma pensée et dans ma conscience, je dois vous faire observer, Monsieur et ancien ami, ceci : selon moi, ces 24 mots qui (et vous pouvez en juger par les quatorze portraits-modèles du chapitre les génies) n’auraient que peu d’étendue, et ne tiendraient que peu de feuilles, coûteraient cependant, à moi, un très grand travail, et à vous (joints à la préface), le prix d’un volume entier, 40 000 francs. Je ne crois pas la surcharge qu’entraîneraient ces 24 mots nécessaire, et, dans mon opinion, la préface écrite par moi suffirait, ce qui serait pour moi une grande diminution de travail, et pour vous une grande économie d’argent.

Ceci dit, dans votre intérêt et dans le mien, je vous laisse décider la question.

Il est convenu que je ne livrerai la préface de Tout pour tous qu’après la publication de mon plus prochain ouvrage en un ou plusieurs volumes.

Si vous êtes d’accord avec moi sur ces divers points, soyez assez bon pour transcrire cette lettre dans votre réponse.

Croyez à ma considération la plus distinguée.

Victor Hugo[141].


À Auguste Vacquerie


18 août. Bruxelles.

Cher Auguste, venez donc si vous pouvez passer in haste quelques jours place des Barricades. Nous voudrions vous voir, d’abord pour vous voir, ensuite pour vous entendre (Faust !) ensuite pour parler affaires. Il s’agit de Tout pour tous. Vous seriez le comité (les quatre de l’Événement) avec chacun 6 000f fixes par an. Cela vous irait-il ? Pour ce livre, vous avoir, serait immense. Je crois que notre cher Meurice est cloué en ce moment à Paris. Il pourrait vous donner plein pouvoir de conclure pour lui, et l’on aboutirait. Tâchez de nous arriver le plus tôt possible. Vous direz le fiat lux.

Petit Georges est revenu. Avant-hier, 16, Alice nous l’a rendu.

À bientôt. À tout de suite. À toujours.

Tuus.
V.

La chère malade est bien[142]. Appétit, gaîté, sommeil reviennent[143].


À Paul Meurice[144].


23 août. Bruxelles.

Mon doux et cher ami, M. Albert Millaud vous dira ce que nous avons ébauché ici. Rien sans vous. Tout avec vous. Que de choses à nous dire ! Quel dommage que nous soyons cloués tous deux, moi à Bruxelles par l’exil, vous à Paris par le succès ! J’envoie mon cœur à Cadio. Et à vous.

V. H.[145]


À Madame Chenay.


Bruxelles, 27 août, 7 heures du matin.

Ma pauvre Julie, ta sœur est morte[146]. Cette chère bien-aimée nous a quittés.

Le 24, elle était admirablement bien, elle faisait avec nous gaîment le tour de Bruxelles en calèche. Avant-hier, 25, elle a eu une attaque ; hier, 26, le docteur Allix, averti par le télégraphe, est arrivé. Consultation des médecins ; le soir un peu d’espoir ; ce matin, à six heures et demie, elle est morte. Je t’écris navré. Dieu recevra cette âme douce et grande dans la lumière. Elle a maintenant des ailes. Nous, nous pleurons.

Je suis accablé.

Je t’embrasse bien tendrement, chère petite sœur. Nous t’embrassons

tous. Hélas ! tu vas pleurer aussi ![147].
À Auguste Vacquerie


27 août.

Cher Auguste, c’est fini. Je suis accablé et navré. Elle est morte ce matin à 6 h. 1/2. Elle n’avait jamais été si bien en apparence. Le 24, je lui faisais faire le tour de Bruxelles en calèche. Elle était gaie et souriait à tout. Avant-hier, attaque ; hier, agonie ; aujourd’hui, mort. Nous sanglotons et je vous écris. Elle a demandé d’être portée à Villequier, près de sa fille, près de notre enfant bien-aimé, près de ces deux êtres adorés qui sont là et que nous pleurons tous à jamais. Je vous l’envoie. Recevez ce corps. Dieu recevra l’âme.

À vous profondément.

V.

Allix a été admirable. Il est venu. Il la remmène[148].


À Armand Barbès[149].


Bruxelles, 29 août.
Héroïque et cher proscrit,

Votre lettre ressemble à votre main pressant la mienne. Je suis accablé, mais j’espère. J’attends la vie suprême qui est dans la mort. Vous aussi, vous avez foi dans ce sublime et infaillible avenir. Votre grande âme ne peut nier l’âme.

Cette douce morte était une vaillante et fière compagne. Elle avait toutes les grandeurs, y compris la bonté. Elle m’aimait. Je pleure profondément.

Merci, mon admirable ami.

Victor Hugo[150].


À Paul Meurice.


1er 7bre.

Meurice, mon doux et noble ami, je lis vos adorables adieux à cette chère morte[151], et voici mes larmes qui recommencent. Cela ne coulait plus, et m’étouffait. Vous me faites pleurer. Merci.

V. H.[152]
À Auguste Vacquerie.


1er 7bre.

Vous êtes admirable, comme toujours, et vous avez tout bien fait. Remerciez votre famille qui, par tant de points charmants et douloureux, est la mienne. J’ai eu cinq nuits d’insomnie. J’ai les yeux brûlés. Les exquises paroles de Meurice me les ont soulagés en me faisant pleurer. Tout ce que vous dites sera fait. Vous allez bientôt avoir de la gloire. Cela me consolera. Je vous aime bien.

V.

Allez pour moi, sitôt cette lettre reçue, baiser à genoux les trois tombeaux[153].


Au même[154].


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Cher Auguste, que la tombe soit pareille à celle des deux autres anges. Elle l’eût voulu ainsi.

Demain 4 7bre, il y aura une semaine qu’on l’a clouée dans le cercueil. — Aimons-nous.


À Paul Meurice[156].


3 7bre, jeudi.

Demain Charles et Victor enverront les détails intimes que désire M. de St-Victor[157] ; sitôt l’article paru, je lui écrirai. Dites-le lui, mon doux ami, et en attendant dites-lui combien sa lettre m’a touché. Voulez-vous transmettre ce mot à Mme  George Sand.

Vos admirables paroles de Villequier sont reproduites par tous les journaux belges. Je vous envoie mon vieux cœur navré qui vous aime.

À Théodore de Banville.


3 septembre.

Mon doux et cher poëte, vous savez dire les grandes et bonnes paroles. Je souffre, et votre serrement de main me fait sentir qu’on m’aime, et que je vis[159].


À Victor Pavie.


septembre.

J’ai le cœur navré ; je sens que vous m’aimez toujours un peu ; j’entends votre voix comme la voix de mon passé et de ma jeunesse, doux et sombre appel.

Je suis vieux, j’irai bientôt où est cette grande âme qui vient de partir.

À vous ex imo.

V. H.[160]


À Auguste Vacquerie[161].


6 7bre.

Les trois âmes sont comme mêlées dans ces trois fleurs[162]. Je ne sais si je pourrai me résigner au partage. Mes enfants trouveront après ma mort cette relique dans votre lettre l’enveloppant et l’expliquant. Cher Auguste, mon cœur est avec vous. Merci. Merci[163].


À Madame Marie Menessier-Nodier[164].


Dimanche 13 septembre.

Chère Marie, je n’ai pu vous répondre tout de suite. Un sanglot ne s’envoie pas dans une lettre. Elle vous aimait bien. L’an dernier, à pareille époque, à Chaudfontaine, nous vous lisions ensemble. Elle pleurait alors sur votre père, comme aujourd’hui vous pleurez sur elle.

À vous mon vieux cœur.

À la princesse Sophie Galitzine[166].


Bruxelles, 13 7bre.

Vous êtes, madame, une âme charmante et une grande âme. Vos larmes consolent les miennes. L’amie inconnue devient désormais l’amie préférée. C’est votre cœur que vous m’envoyez ; je l’accepte, attendri. Je pleure, mais celle qui est morte, grande âme aussi, vous sourit. Je me mets à vos pieds.

Victor Hugo[167].


À Charles. À François-Victor[168].


24 [septembre 1868], 8h du matin.

Chers enfants, je vous transmets cette dépêche qui m’arrive[169]. Voyez ce qu’il y a à faire.

Tendre embrassement.

V.

Une conversation entre nous eût été utile avant le retour de M. Alb. Millaud. Rien n’est possible sans Meurice et Vacquerie. L’Hôtel de la Poste attend demain à dîner notre cher Henri Rochefort[170].


À Amédée Pommier[171].


5 octobre.

Je viens de lire vos vers dans la Liberté. J’ai rêvé, pleuré, je vous écris. Je sens que je vous aime bien. Comme votre grande âme parle de cette grande âme ! Cher poëte, vous dites tout avec une exquise originalité et une émotion profonde. Vous êtes puissant et familier, comme tous les vrais poëtes. Je vous loue, je devrais me borner à vous serrer la main, mais je ne puis faire autrement que de vous dire tout mon attendrissement. Nous sommes vieux, mais jeunes, et amis plus que jamais. Qu’importe où je mourrai !

Je revivrai dans un lieu de lumière où nous nous reverrons, esprits !

J’embrasse votre digne femme, votre charmante fille, et je suis à vous profondément.

Victor H.

Je repars pour Guernesey. Venez donc un jour, tous les trois, me voir sur mon écueil. Il est souvent sombre, vous le feriez radieux.

Je vous envoie un souvenir d’elle. Hélas ! le suprême souvenir[172].


À Albert Lacroix[173].


6 octobre. Bruxelles.

Mon cher éditeur, je serai à Guernesey le 15 octobre, et vous y pourrez venir par conséquent le 15 novembre. Du reste je vous écrirai. Je suis au moment de partir. À Guernesey je vous donnerai tous les détails que vous souhaitez, et ils vous seront d’autant plus utiles que nous serons plus près de la publication. Le Théâtre en Liberté sera publié par séries. Chaque volume aura un titre spécial. La première série (un volume) sera intitulée la Puissance des Faibles, et contiendra quatre comédies, deux en vers et deux en prose, qui à elles quatre feront six actes.

Le livre Par ordre du Roi[174] est à la fois drame et histoire. On verra là une Angleterre inattendue. L’époque est ce moment extraordinaire qui va de 1688 à 1705. C’est la préparation de notre dix-huitième siècle français. C’est le temps de la reine Anne, dont on parle tant et qu’on connaît si peu. Je crois qu’il y aura dans ce livre des révélations, même pour l’Angleterre. Macaulay n’est, après tout, qu’un historien de surface. J’ai tâché de fouiller plus au fond. — Je vous écris tout ceci in haste, je vous remercie de votre lettre excellente, et je vous serre la main. À bientôt.

V. H.

Nous causerons. L’espace et le temps me manquent pour vous parler de la Fin de Satan. (C’est là ce que je voudrais publier. Mais il faut pouvoir

finir cet hiver. Le pourrai-je ?)[175]

À Monsieur Ballande.


Hauteville-House, 24 octobre[176].

Je subis un ostracisme politique. L’interdiction de mon répertoire à Paris fait partie de la politique petite et sournoise qui règne depuis tout à l’heure dix-huit ans ; le coup d’état qui a été le triomphe de cette politique m’a exilé de deux façons, de France, comme citoyen, du théâtre, comme poëte. L’avenir jugera : moi, j’attends. — Je n’ai rien à demander et personne ne doit rien demander en mon nom[177]. Le pouvoir me persécute, mais je ne le connais pas. — Je me trompe, je le connais ; mais comme historien en ce moment, comme juge plus tard. D’ici là, patience[178].


À François-Victor[179].


26 octobre. H.-H.

D’abord une toute petite rectification. De minimis curât prœtor. Mon Victor, M. Van Vambeke n’a pu vous prendre aucun droit de banque, puisque je lui ai envoyé ce droit fixé par lui-même dans la traite de 15 615 fr.

Maintenant je passe à Adèle. Tu trouveras ci-incluse une traite à son ordre de 864 fr. sur lesquels il y a 858 fr. pour elle et 6 fr. pour toi (achat d’une bank-note).

Il me tarde d’avoir la réponse de notre pauvre égarée. Voilà cinq ans qu’à cause d’elle, j’ai le cœur serré. Qu’elle revienne, et en même temps que mon cœur s’épanouira, mes bras s’ouvriront.

Le compte d’Adèle est ci-joint. Envoie-le lui, en lui faisant remarquer qu’elle reçoit là toute sa fin d’année (plus le reliquat de 83 fr. sur le fonds italien) et que je lui donne les 300 fr. qu’elle avait reçus d’avance sur septembre et octobre (ancienne pension). Je crois que tu feras bien de garder un double de ce compte. Mais il importe qu’elle l’ait. Sur les 858 fr. rembourse-toi, cela va sans dire, des 250 fr. avancés par toi.

Je prie Charles de payer pour moi MM. Jettrand, Cerf, et je ne sais plus qui encore, et de m’envoyer les quittances. Je le rembourserai immédiatement.

Je suis jusqu’au cou dans le travail. J’ai pour joie de lire la Lanterne, dites-le à votre frère Rochefort. Tâchez que l’affaire de Londres soit effective ; j’ai plus foi en Rascol qu’en tous anglais.

Je vous serre tous sur mon vieux cœur[180].


À Paul Meurice[181].


H.-H., 7 novembre.

Voulez-vous être assez bon pour faire jeter à la poste cette petite lettre à Mme  d’Aunet. Elle viendra chez vous toucher 300 fr. que je vous prie de lui donner pour moi, et, comme je ne sais où nous en sommes de nos petits comptes, je vous envoie, par précaution, une traite de 300 fr. à vue, payable à votre ordre chez Mallet frères. En outre, voici un portrait de S. M. qui vaut, je crois, quatre sous. Usez-en comme bon vous semblera.

Plus je relis Cadio, plus je l’aime. Que c’est charmant le beau style traduisant la forte pensée ! L’émotion va croissant d’acte en acte, et à la fin de cette œuvre pathétique et philosophique, on est enthousiasmé et convaincu. Comment peut-on vous haïr, vous si doux et si puissant dans la douceur ! Si l’on pouvait assassiner avec une plume, la haine le ferait. Enfin, il faut bien une ombre à cette grande lumière qui est la vérité ! Moi, cela m’est égal d’être haï si vous m’aimez.


À Charles. À François-Victor[183].


H.-H., dim. 8 9bre.

Chers enfants, puisque vous le trouvez juste, je le trouve bon ; et je vous paierai par an, tant que durera ce bail, mon tiers des 2 000 fr.[184]. C’est à dire 667 fr. ; mais ce sera pour une habitation de peu de jours, car, vous le savez, le but de mes vacances, c’est le voyage, et mes séjours de ces trois dernières années ont eu pour cause, en 1866, les pluies, en 1867, la guerre, en 1868, le deuil ; mais ils m’ont été doux, même dans le deuil, puisqu’ils m’ont fait rester près de vous. En voyage aussi, j’espère, nous serons ensemble. Va donc pour mon tiers. Au reste, je ne suis que votre intendant. De là mes précautions, qui m’ont fait taxer d’avarice, avarice qui songe à l’avenir et aux enfants, la même avarice que je recommandais et que je recommande à notre cher Rochefort. Sa Lanterne est toujours ma joie. Remettez-lui ce mot. — Envoyez l’autre à M. Alb. Millaud dont j’ai oublié l’adresse, et qui vient, à ce qu’il paraît, de perdre sa mère ou sa grand’mère. Vous ferez bien d’ajouter quelques lignes et vos signatures à mon billet. — Quant aux trois chevaux, si vous insistez, je vous les enverrai, mais ne pensez-vous pas qu’à moins d’urgence, il ne faudrait plus rien publier d’ici à mon livre Par ordre du Roi ? Je reçois d’Espagne des lettres enthousiastes. M. Rodriguez, correspondant du Courrier de l’Intérieur, m’écrit qu’il veut ma république, à condition que j’en sois président. — Parlez-moi de mon doux Georges. Je vous embrasse, chère Alice. Je t’embrasse, mon Charles, je t’embrasse, mon Victor.


À Paul Meurice.


H.-H., dim. 15 [novembre 1868].

Cette lettre que je reçois semble indiquer qu’il y a eu retard de la poste, et que le 12 mon billet d’avis r. de Rivoli n’était pas arrivé. Ô ma providence, voulez-vous être assez bon pour vous informer et pour obvier. J’ai vu les chiffres que vous avez eu la bonté de me transmettre. Je vois que je suis assez obéré.

Voudrez-vous bien pourtant remettre pour moi à M. Peyrat les 40 fr. de ma souscription Baudin. Je pense que ma lettre n’a pas été interceptée et que vous avez vu ma souscription dans l’Avenir national. C’est une grosse affaire pour L. B. que ce monument à Baudin. L’envers de cette gloire est sa honte.

Je suis absolument de votre avis, très justement unanime, quant au titre : Par ordre du Roi ; l’Homme qui Rit vaut beaucoup mieux. En choisissant d’abord Par ordre du Roi je voulais accentuer tout de suite la portée démocratique du livre. Cet effet est, je crois, maintenant produit, et je puis sans inconvénient, comme vous l’indiquez et comme je l’avais moi-même toujours cru meilleur, donner au livre le titre : L’Homme qui Rit, et à la deuxième partie le titre : Par ordre du Roi. Si vous rencontrez Lacroix avant que je lui aie écrit, dites-le lui.

J’ai reçu d’Espagne des lettres enthousiastes, force journaux, (tous ont reproduit mon speech) des adresses collectives, de Saragosse, de Barcelone, etc. M. Rodriguez, correspondant du Courrier de l’Intérieur, m’écrit qu’il vote pour une République, à condition que j’en sois Président. Je crois la République un peu relevée en Espagne (et fort relevée en France). Tout va bien.

Votre idée d’un journal littéraire ayant droit de parler politique serait excellente. Il faudrait cette entente des grands journaux libéraux et démocratiques dont vous me parlez.

Je prévois que je vais vous donner encore l’ennui de corriger mes épreuves. Quand vous rendrai-je tout ce que je vous dois !

Ils ont beau faire. Cadio est une chose exquise et forte.

Et je signe.

V. H.


À Jean Aicard[186].


H.-H., 17bre.

Cher poëte, merci. J’ai le pauvre petit être ; voilà ses yeux, voilà ses ailes[187]. Vous m’aviez déjà envoyé son âme dans des vers charmants. Je suis bien profondément touché de toutes les formes délicates de votre affection pour moi. Je savais le grand succès de votre parole dans le midi. M. Gilles La Palud me l’avait écrit ; il m’avait même annoncé l’envoi d’un journal que je n’ai pas reçu. Dites-le lui si vous lui écrivez. Quand vous verrai-je ? Je suis ici. Je travaille. On m’a laissé seul. L’abandon, c’est le destin du vieux. Je ne puis bien travailler qu’ici. Ma famille, c’est mon bonheur. Il fallait choisir entre ma famille et mon travail, entre mon bonheur et mon devoir. J’ai choisi le devoir. C’est la loi de ma vie.

Je salue votre noble esprit.

V. H.[188]


À Victor Mangin,
Rédacteur en chef du Phare de la Loire.


Hauteville-House, 18 novembre 1868.
Cher confrère,

Y tenez-vous ? Voici la vérité sur mes 78 000 francs de rente. Je dis volontiers mes affaires à vous qui êtes un ami.

Après toutes les pertes qu’entraîne l’exil, voici quelle était ma situation, fin août dernier, lors de la reddition de comptes dont parle votre correspondant :

J’ai :

1° En Belgique, 300 actions de la Banque nationale, revenu variable, au maximum 32 000 fr.

2° En Angleterre, je n’ai pas encore, mais j’aurai en avril prochain (emploi de la vente de mes derniers manuscrits), consolidés anglais, 425 000 francs. Revenu 12 500 fr.

3° En France. Institut 1 000 fr.

4° Hauteville-House ; le logement, pas de revenu ; je paie loyer à Bruxelles »

48 500 fr.

Par suite des arrangements de famille qui ont dû être pris, sur ces 48 500 francs, je paie annuellement 29 500 fr.

De plus je donne par an, pour divers devoirs de fraternité, notamment pour une petite institution d’assistance à l’enfance dont j’ai pris l’initiative, environ (minimum) 7 000 fr.

36 500 fr.


qui, défalqués des 48 500, me laissent un revenu personnel de 12 000 francs ; ayant des enfants, je ne me considère que comme usufruitier.

Tout ceci est confidentiel et ne réclame aucune publicité, car rien dans ce petit inventaire ne peut intéresser le public. Mais je tiens à vous renseigner, vous cœur noble et sympathique ; dans l’occasion, vous vous souviendrez de cette lettre et, quand vous me verrez calomnié, vous saurez la vérité. Cela me suffit. Publiquement, sur de telles matières, le silence me sied.

Un dernier mot. Votre correspondant a raison s’il a voulu dire que j’avais 78 000 francs de rentes (et même davantage) par le produit de mon répertoire au théâtre ; sans doute, seulement on ne joue pas mon théâtre.

Tout ceci entre nous[189].


À Monsieur François Morand,
juge à Boulogne-sur-Mer.


Hauteville-House, 22 novembre 1868.

Je vous réponds, monsieur le juge ; car vous êtes un juge spirituel, docte et charmant (je ne parle ici que de littérature). Eh bien ! non, je ne connais point l’Arlequin de Le Sage, et j’ai été ravi, grâce à vous, de le connaître. Les similitudes que vous signalez sont très réelles. Il en sort pour moi cette satisfaction intime, parce que ma conscience me la confirme, de m’être fortuitement rencontré avec le grand esprit qui a créé Gil Blas.

Voulez-vous que je vous raconte une autre rencontre dont j’ai été plus glorieux encore ? C’était en 1823 ; Lamennais, qui avait été mon confesseur (lequel de nous deux a perverti l’autre ?), entre chez moi un matin. J’écrivais des vers que je venais de faire. Lamennais regarde par-dessus mon épaule, et lit ceci :

Éphémère histrion qui sait son rôle à peine.
Chaque homme ivre d’audace ou palpitant d’effroi.
Sous le sayon du pâtre ou la robe du roi,
Vient passer, à son tour, son heure sur la scène.

— Tiens ! me dit-il, vous savez l’anglais ?

Je lui réponds : — Non. (À l’heure qu’il est, je ne sais pas encore l’anglais.) Et j’ajoute : — Pourquoi ? — C’est que, réplique Lamennais, vous venez de faire un vers de Shakespeare. — Bah ! — Avez-vous lu Shakespeare ? — Non, je ne veux pas lire Le Tourneur. — Eh bien ! dit Lamennais (mon ex-confesseur, qui me savait sincère), le vers est de vous deux. Vous avez rencontré Shakespeare.

Et il me cite un vers de Macbeth ; même comparaison que la mienne, et, littéralement : Chaque homme vient passer, à son tour, son heure sur les planches.

Maintenant jugez, monsieur le juge.

Un mot sur quelque chose de plus grave qui est dans votre écrit.

Je suis aussi étranger que vous-même à l’article de M. Granier de Cassagnac (1833) sur Alexandre Dumas. Lisez la déclaration de M. Bertin l’aîné, dans le Journal des Débats. Lisez la déclaration de M. Granier de Cassagnac, qu’il confirmerait encore aujourd’hui, j’en suis certain, bien qu’il y ait entre lui et moi, l’abîme.

Voulez-vous de ceci ma parole d’honneur ? Je vous la donne. Si vous me connaissiez bien, vous n’en auriez pas besoin.

Et je vous serre la main, et je vous remercie de m’avoir fait connaître Sérendib et l’Arlequin de Le Sage. Politiquement, je vous récuserais ; mais littérairement je vous accepte, mon très aimable juge, mon gracieux

confrère[190].

À François-Victor[191].


H.-H., 25 9bre, mercredi.

Mon Victor, voici ce que j’ai envoyé à Émilie Castelar[192]. C’est parti lundi matin, mais cela n’arrivera pas avant vendredi. Ci-inclus trois exemplaires, dont un pour Rochefort. Use des autres pour la propagande et fais de ton mieux. Crois-tu que l’Étoile belge insérerait ?

Tu as reçu, je pense, ma lettre chargée contenant 50 fr. pour la Lanterne.

Je te serre dans mes vieux bras paternels[193].


À Monsieur Petit de Latour.


Hauteville-House, 27 novembre 1868.

À en juger par la table des matières, votre travail, monsieur, est complet, et sera de la plus haute utilité. Je sens en vous un noble et bon cœur. Vous avez sauvé une tête par votre parole. Vous en sauverez beaucoup d’autres par votre livre. Ne me le dédiez pas ; dédiez-le à Jésus-Christ, d’où vient toute douceur. L’homme, hélas ! n’a pas encore compris le crucifix ; le crucifix abolit l’échafaud.

Je n’ai pas le temps d’écrire une préface ; car, pour moi, les devoirs se multiplient et les années s’abrègent. Si vous jugez à propos de publier cette lettre avec votre livre, elle est à vous, faites.

Croyez à ma plus cordiale sympathie.

Victor Hugo[194].


À Auguste Vacquerie.


Novembre 1868.
H. H., dimanche.

Votre cœur ne peut pas être frappé sans que le mien saigne. Cher Auguste, votre vénérable mère était pour moi comme une sœur de destinée et de deuil. Je la pleure. Que d’âmes douces et tendres au-dessus de nous, dans ce bleu sombre de la mort !

Regardez-les avec l’œil de votre grand esprit. Vous les voyez, n’est-ce pas ? Moi aussi.

Aimons-nous.


À Michelet.


H.-H., 6 décembre.

Mon illustre ami, vous m’avez écrit de Suisse, j’étais en Belgique, et je n’ai qu’aujourd’hui votre lettre du 16 septembre. Elle me va au cœur. Vos grands livres sont une des lumières de mon exil, votre amitié est un viatique dans mon rude pèlerinage de lutte et de deuil.

À vous, ex imo.

Victor Hugo[196].


À d’Alton Shée.


H.-H., 8 décembre 1868.

Vos mémoires, mon cher d’Alton, sont pour moi comme des messages que me fait votre noble esprit. J’ai lu votre envoi du 25 novembre. Merci encore, et bravo encore à ces vivantes et robustes pages ! Sur les fortifications de Paris, voici mon sentiment[197] : Je ne les aurais pas bâties, mais je ne les détruirais pas. Elles ne doivent désormais tomber que le lendemain du jour où l’Europe se sera proclamée république dans son parlement siégeant au champ de la Fédération (champ de mars) de Paris. Alors crouleront toutes les clôtures et s’ouvriront tous les cœurs. Vous serez, mon cher d’Alton, de ce parlement-là ; moi aussi peut-être, — à moins que je ne sois mort.

J’ai pour vous une sympathie ancienne et profonde. Votre admirable persistance m’a absolument gagné. Vous êtes citoyen avec une fierté de gentilhomme et une dignité de seigneur. Votre âme est haute parce qu’elle est libre. Vous êtes fraternel à tous, et, au besoin, l’âge étant venu, paternel. Mon exil vous aime. Nous sommes, vous et moi, les deux seuls pairs républicains. Je sens en vous quelque chose comme un frère. Je ne suis votre aîné que par l’âge. Car, avant moi, vous aviez compris et voulu la République. Ma logique attardée n’y est arrivée qu’après la vôtre. Armand Carrel a été pour beaucoup dans mon retard. Si cela valait la peine d’un reproche, c’est à lui qu’en viendrait la responsabilité.

Je réponds à votre question. J’ai appris ma nomination de pair le 16 avril 1845. Vingt ans auparavant, jour pour jour, j’avais appris, presque de la même façon, que j’avais la croix. Je ne note ce détail que parce que Lamartine et moi fûmes nommés de la Légion d’Honneur le même jour (16 avril 1825) et seuls ensemble.

Quant à mes paroles qui ont peut-être un peu ramené les Bonaparte, lisez-les dans la collection de mes discours que je vous envoie (bon sur Lacroix). Lisez aussi (Tome II) depuis la page 33 jusqu’à la page 59.

Je suis à vous du fond du cœur.

V. H.

Votre discours sur les fortifications de Paris est très beau, style excellent, haute pensée[198].


À Monsieur Émile Péhant.


H.-H., 11 décembre 1868.

Heureusement pour vous, monsieur, vous vous êtes trompé en vous vantant d’avoir dans votre poëme[199] supprimé la métaphore. La métaphore, c’est-à-dire l’image, est la couleur, de même que l’antithèse est le clair-obscur. Homère n’est pas possible sans l’image, ni Shakespeare sans l’antithèse. Essayez d’ôter le clair-obscur à Rembrandt ! Vous êtes un peintre, monsieur, tant pis si cela vous fâche, et vos belles pages, nombreuses dans votre noble poëme, ont toutes les vraies qualités du style, la métaphore comme l’antithèse, la couleur comme le clair-obscur. Votre drame n’en est que plus vivant, votre pensée n’en est que plus robuste ; le lecteur est toujours charmé et souvent conquis. Je félicite votre poëme d’être infidèle à votre préface, et je vous envoie mon cordial applaudissement.

Victor Hugo[200].


À Monsieur Canellopoulo[201].


Hauteville-House, 19 décembre 1868.
Monsieur,

Votre lettre éloquente m’a vivement touché. Oui, vous avez raison de compter sur moi. Le peu que je suis et le peu que je puis appartient à votre noble cause. La cause de la Crète est celle de la Grèce et la cause de la Grèce est celle de l’Europe. Ces enchaînements-là échappent aux rois et sont pourtant la grande logique. La diplomatie n’est autre chose que la ruse des princes contre la logique de Dieu. Mais dans un temps donné Dieu a raison.

Dieu et Droit sont synonymes. Je ne suis qu’une voix, opiniâtre, mais perdue dans le tumulte triomphal des iniquités régnantes. Qu’importe, écouté ou non, je ne me lasserai pas. Vous me dites que la Crète me demande ce que l’Espagne m’a demandé. Hélas ! je ne puis que pousser un cri. Pour la Crète je l’ai fait déjà, je le ferai encore. Oui, comptez sur moi. J’appartiens à la Grèce autant qu’à la France. Je donnerais pour la Grèce mes strophes comme Tyrtée et mon sang comme Byron. Votre pays sacré a mon profond amour. Je pense à Athènes comme on pense au soleil.

Je vous serre la main.

Victor Hugo.

Félicitez de ma part l’excellent traducteur d’Hernani. Je suis fier de me voir dans la langue d’Homère.


À Auguste Vacquerie[202].


H.-H., 23 Xbre 1868.

Cher Auguste, un codicille de ma femme contient ceci :

« Je donne à Auguste mon pupitre de laque et tous les petits objets qui sont sur ma table à écrire. Je lui donne en plus une aumônière qui me vient de Mme  Dorval et qui est suspendue au-dessus du portrait que j’ai fait de ma Didine.

« À Paul Meurice Napoléon le Petit et les Châtiments ; les deux ouvrages reliés ensemble, que m’a donnés mon mari, ont sur la couverture mes deux initiales A. H.[203].

« A Madame Paul Meurice le bracelet d’argent que je porte journellement et qui m’a été donné par Auguste.

« À Émile Allix les deux Hamlet. Ce livre qui m’a été donné par mon Victor est relié en maroquin rouge. »

Le codicille est daté 21 février 1862. Depuis cette époque ma femme a cessé d’habiter Guernesey. Les objets qui étaient sur sa table en 1862 ont disparu. Mais je tiens le pupitre et l’aumônière, cher Auguste, à votre disposition.

Elle a emporté le bracelet d’argent à Paris, où elle a été, dans les derniers temps, fort volée. Nous avons cherché le bracelet. On n’a pas encore pu le retrouver.

Quant aux livres, Nap. le Petit et les deux Hamlet, ils sont là. Je les enverrai à Paul Meurice et à Émile Allix par la première occasion sûre. Voulez-vous être assez bon pour le leur dire.

À bientôt. À toujours, cher Auguste. Je m’unis à vous profondément dans la pensée de toutes nos chères mortes. Ayons en nous leurs âmes.

Tuus.


À Jules Claretie.


H.-H., 31 décembre.

Jadis, cher confrère, soyez stupéfait, vous m’avez demandé un dessin, le voici. (Vous le recevrez par Auguste Vacquerie presque en même temps que ce mot.)

C’est el Puente de los Contrahandistas. J’ai vu cela dans les Pyrénées, étant enfant. Le Pont des Contrebandiers était terrible. Il servait aux contrebandiers comme pont, et à la justice comme gibet. On les pendait aux poutres. Cela n’empêchait pas de continuer d’y passer. Ce pont s’appelait aussi :

ON MARCHE DESSUS,
ON DANSE DESSOUS.

J’ai cité dans le Dernier jour d’un condamné la chanson triste :

J’li ferai danser la danse
Où il n’y a pas de plancher.

Cette lugubre danse, je vous l’envoie. Pardonnez-le moi. C’est hideux, lais utile. Il faut mettre aux bourreaux le nez dans leur ouvrage. Donc montrons l’horreur du passé.

Le présent n’est pas beaucoup plus beau. Mais quel Demain vous allez voir, vous qui êtes jeunes ! Moi, je serai mort.

Vous allez donc arriver au théâtre. D’avance je bats des mains. Vous aurez le succès toujours, car vous avez le talent partout.

Recevez mon plus cordial shake-hand.

Victor Hugo[205].

À Auguste Vacquerie[206].


H.-H., 31 Xbre.

Puisque les chapitres préliminaires vous intéressent, j’augure bien du reste. Votre lettre a été pour moi le succès affirmé. Un maître tel que vous met dans tout ce qu’il dit la certitude. Le sujet de mon livre c’est l’Aristocratie. Puis je ferai la Monarchie (Louis  XV, xviiie siècle)[207] puis sortira de ces deux évidences Quatrevingt-treize. Je crois que je ferai la vraie Révolution, et je vous le dis à vous qui allez faire le vrai Faust. Donnez donc vos ordres pour qu’on vous facilite ce travail, au lieu de vous l’aggraver. Vous êtes trop bon. À propos, que se passe-t-il ? Depuis huit jours, je ne reçois plus d’épreuves. On me dit que l’imprimerie Lacroix est en grève. Est-ce vrai ? Je vous enverrai le pupitre (et l’aumônière). Pensez à nous en écrivant dessus ! Je vous envoie, en book-post, six dessins : un pour vous, un pour Meurice, un pour Paul de St-Victor, un pour Émile Allix, un pour Lecanu. Le sixième est pour M. Jules Claretie (el puente de los contrabandistas) il me l’a demandé, et je le lui ai promis. Son nom est derrière. Soyez assez bon pour le lui envoyer. Partagez-vous les cinq autres entre vous cinq, comme vous voudrez. Faites pour le mieux. Cher Auguste, la gloire est à vous, je vous souhaite le bonheur.

Tuus.


À Monsieur Henri Delpech.


[1868.]

Je ne me fais pas, monsieur, de l’éloquence la même idée que vous. Où vous voyez des images, je vois des idées, et pour moi tout discours impossible à lire, a pu tromper l’oreille, mais n’existe pas. Jugez quel ravage je ferais dans vos admirations. Je n’en suis pas moins touché de votre sympathie, et j’applaudis à votre talent comme à votre succès.

Recevez l’assurance de mes sentiments distingués.

Victor Hugo[209].


À Albert Lacroix.


Décembre 1868.
Mon cher éditeur,

Le roman historique est un très bon genre, puisque Walter Scott en a fait ; et le drame historique peut être une très belle œuvre, puisque Dumas s’y est illustré ; mais je n’ai jamais fait de drame historique ni de roman historique[210]. Quand je peins l’histoire, jamais je ne fais faire aux personnages historiques que ce qu’ils ont fait, ou pu faire, leur caractère étant donné, et je les mêle le moins possible à l’invention proprement dite. Ma manière est de peindre des choses vraies par des personnages d’invention.

Tous mes drames, et tous mes romans qui sont des drames, résultent de cette façon de voir, bonne ou mauvaise, mais propre à mon esprit.

Par ordre du Roi sera donc l’Angleterre vraie, peinte par des personnages inventés. Les figures historiques, Anne, par exemple, n’y seront vues que de profil. L’intérêt ne sera, comme dans Ruy Blas, les Misérables, etc., que sur des personnages résultant du milieu historique ou aristocratique d’alors, mais créés par l’auteur[211].


À Villemain.


Hauteville-House, décembre 1868.
Mon illustre et cher confrère,

J’apprends avec plaisir que je suis un des huit plus vieux de l’Académie. Tout en souhaitant et en espérant la longévité d’autrui, j’ai le droit de tenir peu à la mienne. Ma sortie me semble désormais prochaine et j’en félicite les talents et les renommées qui attendent. Si l’exil m’empêche de donner ma voix, il ne m’empêche pas de donner ma place.

Du reste, dans cet exil, maintenant volontaire, la communication que vous voulez bien me faire vient très à propos. J’ai entrepris, à mes frais, dans mon île, l’amélioration hygiénique et intellectuelle de quarante enfants pauvres, et je saisis avec empressement le moyen de grossir un peu leur petite liste civile. Soyez assez bon pour annoncer à l’Académie que j’accepte, et recevez l’assurance de ma haute considération.

V. H.

Cher Villemain, laissez-moi, en dehors de la lettre officielle, vous serrer la main et vous dire que mon vieux cœur est toujours tout à vous[212].

  1. Le soldat et la servante. Enregistré dans la Bibliographie de la France, décembre 1867.
  2. Mondain-Monval. — Victor Hugo et François Coppée. Revue Hebdomadaire, juin 1910.
  3. Communiquée par M. Matarasso.
  4. Jules Lermina voulait fonder le Globe politique, littéraire et artistique. Ce journal parut en effet le 14 janvier 1868, à la date du 15, mais le nom de Lermina n’y figure pas.
  5. Archives de la famille de Victor Hugo.
  6. Inédite.
  7. Chifflart, peintre et graveur de grand talent. Outre la belle illustration des Travailleurs de la Mer, on a de lui à la Maison de Victor Hugo un très beau portrait de Victor Hugo.
  8. Bibliothèque Nationale.
  9. L’Opinion publique. Washington, 12 mars 1868. En marge de ce journal Victor Hugo a écrit : « À la bonne heure. Voici ma vraie lettre
  10. Journaux annotés. Bibliothèque Nationale.
  11. Jules Brisson était alors rédacteur en chef de l’Intérêt public. Il avait publié plusieurs volumes, dont un de Mélanges politiques et littéraires.
  12. Journaux annotés. Bibliothèque Nationale. I*’ - - Les Annales politiques et littéraires, 31 mai 1885. - Archives de la Comédie-Française.
  13. Inédite.
  14. Coupure de journal contenant la lettre de Chilly sur Ruy Blas et la réponse de Victor Hugo.
  15. Collection Jules Claretie.
  16. Inédite.
  17. Suit le détail des comptes.
  18. Bibliothèque Nationale.
  19. La Revue, octobre 1905.
  20. « Êtes-vous d’avis que nous devrions faire un journal ? Auguste y semble disposé maintenant. Mais vous, qu’en pensez-vous ? » Lettre de Paul Meurice.
  21. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.
  22. Inédite.
  23. La voix de Caprera à la voix de Guernesey
  24. Bibliothèque Nationale.
  25. Collection Jules Claretie.
  26. L’article, intitulé La Statue de Ponsard, finit par ces mois : « Sur ce, je vais relire les Burgraves et Cromwell ».
  27. Bibliothèque Nationale. — Publiée en partie dans Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  28. Inédite.
  29. Docteur Axenfeld, auteur de plusieurs traités de médecine.
  30. Rapport sur les progrès de la médecine en France.
  31. Bibliothèque Nationale.
  32. Inédite.
  33. Victor Hugo avait envoyé à Paul Meurice pour le 1er janvier 1868 un dessin représentant un nid d’oiseaux. Ce dessin, relié en tête de l’édition originale des Chansons des rues et des bois, a été donné par Paul Meurice à la Maison de Victor Hugo.
  34. Bibliothèque Nationale.
  35. Inédite.
  36. Dans un discours au Corps législatif, Jules Simon s’était élevé contre l’interdiction qui avait frappé Ruy Blas.
  37. Communiquée par Mlle  Marguerite Simon, petite-fille de Jules Simon.
  38. Entre Cour et Jardin.
  39. Collection Edmond Champion.
  40. Inédite.
  41. Bibliothèque Nationale.
  42. Inédite.
  43. Bibliothèque Nationale.
  44. Inédite.
  45. Bibliothèque Nationale.
  46. Delesvaux était vice-président du Tribunal de première instance.
  47. Suit le détail des comptes.
  48. Bibliothèque Nationale.
  49. Inédite.
  50. M. Frutel, jeune écrivain, demandait à Victor Hugo de l’appuyer près d’un éditeur qui publierait son premier livre, ou, tout au moins, de lui procurer un emploi. Au revers de la lettre de M. Frutel, Victor Hugo a écrit à Lacroix, et au haut de la lettre il adresse ces quelques mots à M. Frutel :
    Je ne puis mieux plaider votre cause, Monsieur, qu’en transmettant votre lettre contresignée par moi à M. Lacroix. Portez-la lui vous-même.
    Recevez tous mes vœux de succès.
    V. H.
  51. Bibliothèque Nationale.
  52. Suit le détail des comptes.
  53. Morisseaux, armurier, avait envoyé à Victor Hugo un fusil de chasse ouvragé et damasquiné. Ce fusil est à la Maison de Victor Hugo.
  54. Publiée en partie dans Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  55. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.
  56. Inédite.
  57. L’Homme qui rit.
  58. Collection Louis Barthou.
  59. Inédite.
  60. Ce sonnet parut en 1869, dans Sonnets et eaux-fortes, recueil publié sous la direction de Philippe Burty.
  61. Publié dans Actes et Paroles. Pendant l’exil.
  62. Bibliothèque Nationale.
  63. Inédite.
  64. Paul Meurice écrivait une série d’articles, sorte d’au jour le jour de ce qui se passait à Paris dans les lettres, les arts, le théâtre, le tout adressé à une dépaysée, Mme  Drouet.
  65. Publiée dans Actes et Paroles. Pendant l’exil.
  66. Bibliothèque Nationale.
  67. La Démocratie, mars 1868. Lettre réimprimée dans Actes et Paroles. Pendant l’exil. Reliquat. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  68. Inédite.
  69. Le 11 avril Victor Hugo envoyait à ses fils la lettre que Chassin lui avait adressée le 4 avril, avec, au coin, cette note : « Voici la lettre de M. Chassin. Je persiste dans mon conseil ».
  70. Bibliothèque Nationale.
  71. Inédite.
  72. Victor Hugo, le 14 avril, avait perdu son premier petit-fils, Georges.
  73. Bibliothèque Nationale.
  74. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.Bibliothèque Nationale.
  75. Inédite.
  76. Bibliothèque Nationale.
  77. Collection de Mme  Lauth-Sand.
  78. L’empereur voulut, à l’occasion de l’Exposition de 1867, présenter au monde un tableau des poètes qui avaient illustré son règne ; il demanda à Théophile Gautier d’écrire un Rapport sur le progrès des lettres depuis vingt-cinq ans. Gautier en profita pour consacrer une vingtaine de pages à l’examen attendri et dithyrambique des Contemplations, des Chansons des rues et des bois, et surtout de La Légende des Siècles.
  79. Théophile Gautier était rallié à l’empire et familier de la Cour.
  80. Archives de la famille de Victor Hugo.
  81. Inédite.
  82. Bibliothèque Nationale.
  83. Les Intimités sont annoncées dans la Bibliographie de la France du 18 avril 1868.
  84. Inédite.
  85. Francis Magnard, directeur du Figaro, avait assaisonné de commentaires ironiques la reproduction d’une lettre de Victor Hugo à Judith Mendès, la félicitant de son Livre de Jade.
  86. Bibliothèque Nationale.
  87. Inédite.
  88. Collection A. Godoy.
  89. Inédite.
  90. Bibliothèque Nationale.
  91. Inédite.
  92. Bibliothèque Nationale.
  93. Inédite.
  94. Bibliothèque Nationale.
  95. Inédite.
  96. François-Victor préparait un article sur l’Académie française.
  97. Bibliothèque Nationale.
  98. Inédite.
  99. Roman publié en feuilleton dans la Liberté.
  100. Bibliothèque Nationale.
  101. Inédite.
  102. Bibliothèque Nationale.
  103. Inédite.
  104. Bibliothèque Nationale.
  105. Il avait été question, malgré l’interdiction de l’année précédente, de reprendre Ruy Blas au théâtre de la Gaîté.
  106. Correspondance de Victor Hugo et de Paul Meurice.
  107. Inédite.
  108. Collection Paul de Saint-Victor.
  109. François-Victor, dans son article sur l’Académie française, dénombrait les académiciens illustres qui avaient précédé son père ; mais il arrivait au chiffre 13, et il se proposait d’éliminer un des prédécesseurs.
  110. Mes fils. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  111. Inédite.
  112. Bibliothèque Nationale.
  113. Inédite.
  114. Les Chevaliers de l’Esprit : titre d’une série qui débutait par Césara.
  115. Bibliothèque Nationale.
  116. Inédite.
  117. Bibliothèque Nationale.
  118. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  119. Inédite.
  120. « Vous seriez bien bon de me renvoyer votre page sur G. Flourens pour moi. Je n’ai pas eu le temps de la copier, pressé par l’heure de l’envoyer à Girardin » (lettre de Paul Meurice, 16 juillet)
  121. Bibliothèque Nationale.
  122. Dubois de Gennes avait envoyé à Mme  Victor Hugo ses vers : Sous le Casque, qu’il lui avait dédiés ; il évoquait, dans cette dédicace, le souvenir du duc d’Elchingen à qui Victor Hugo l’avait recommandé... avant l’exil. Les deux lettres sont publiées en tête du volume : Sous le Casque.
  123. Alfred Asseline venait de perdre un enfant.
  124. Alfred Asseline Victor Hugo intime.
  125. Inédite.
  126. Suivent les comptes.
  127. Bibliothèque Nationale.
  128. Albert Kœmpfen, journaliste, signait ses articles : X. Feyrnet.
  129. Le Temps, 3 juin 1928.
  130. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.
  131. Inédite.
  132. Bibliothèque Nationale.
  133. Inédite.
  134. Bibliothèque Nationale.
  135. Inédite.
  136. Mme  Victor Hugo était fort malade.
  137. Bibliothèque Nationale.
  138. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  139. Père d’Albert Millaud.
  140. Tout pour tous est resté à l’état de projet.
  141. P. et V. Glachant. Papiers d’autrefois.
  142. Mme  Victor Hugo était près de sa fin.
  143. Bibliothèque Nationale.
  144. Inédite.
  145. Bibliothèque Nationale.
  146. La lettre d’Émile Allix envoyée à Victor Hugo lors du dernier séjour de Mme  Victor Hugo à Paris faisait prévoir une issue fatale. Il avait appelé en consultation le célèbre docteur Axenfeld, et tous deux avaient constaté une hypertrophie du cœur, un engorgement des artères. La photographie de Mme  Victor Hugo morte montre le changement radical survenu en quelques années.
  147. Archives de la famille de Victor Hugo.
  148. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  149. Inédite.
  150. Communiquée par M. Charles Baudet, arrière-petit-neveu de Barbès.
  151. Ces paroles ont été publiées dans Actes et Paroles. Pendant l’exil.
  152. Correspondance entre Victor Hugo et Paul Meurice.
  153. Bibliothèque Nationale.
  154. Inédite. — C’est Auguste Vacquerie qui s’occupait de tout. M. de Pêne lui avait demandé d’écrire pour le Gaulois un article sur Mme  Victor Hugo ; il avait refusé : « Pour le moment, écrivait-il, je ne puis que pleurer ». Il avait envoyé une très belle lettre, donnant de nombreux détails, à Paul de Saint-Victor.
  155. Bibliothèque Nationale.
  156. Inédite.
  157. Paul de Saint-Victor écrivit un très bel article, dont Vacquerie, Charles et François-Victor avaient fourni les éléments.
  158. Bibliothèque Nationale.
  159. Archives de la famille de Victor Hugo.
  160. Archives de la famille de Victor Hugo.
  161. Inédite.
  162. Auguste Vacquerie avait cueilli, sur le tombeau de Léopoldine et de Charles Vacquerie, trois fleurs qu’il avait envoyées à Victor Hugo.
  163. Bibliothèque Nationale.
  164. Inédite.
  165. Communiquée par la librairie Cornuau.
  166. Sophie Galitzine, après la mort de son premier mari, était venue à Paris en 1863 et s’était remariée en 1873. Elle mourut à Paris, en 1888.
  167. Communiquée par la Société pour les Relations culturelles entre l’U. R. S. S. et l’étranger.
  168. Inédite.
  169. La dépêche était de Mme  Jules Simon qui avertissait qu’elle serait à Bruxelles le 27. Elle devait être la marraine de Georges Hugo, Henri Rochefort étant le parrain. Le baptême eut lieu le 3 octobre.
  170. Bibliothèque Nationale.
  171. Inédite.
  172. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  173. Inédite.
  174. Premier titre de l’Homme qui Rit.
  175. Bibliothèque Nationale.
  176. Le catalogue Charavay indique entre parenthèses le millésime 1866, ce qui, d’après le texte même, est une erreur : ... tout à l’heure dix-huit ans de cette politique. Cela daterait la lettre de 1869 ; d’autre part, nous verrons plus loin que, le 24 octobre 1869, Victor Hugo était à Bruxelles. Nous plaçons donc, sous toutes réserves, cet extrait en 1868.
  177. Ballande, fondateur des Matinées littéraires, caressait sans doute le projet d’inaugurer un théâtre par une œuvre de Victor Hugo, et comme il se faisait fort d’obtenir du gouvernement l’autorisation nécessaire, il s’attira cette réponse.
  178. Torquemada. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  179. Inédite.
  180. Bibliothèque Nationale.
  181. Inédite.
  182. Bibliothèque Nationale.
  183. Inédite.
  184. Ces 2 000 francs représentaient le loyer de la place des Barricades.
  185. Bibliothèque Nationale.
  186. Inédite.
  187. Allusion sans doute à la mort du premier petit-fils de Victor Hugo.
  188. Communiquée par M. Léon de Saint-Valery.
  189. Archives de la famille de Victor Hugo.
  190. Archives de la famille de Victor Hugo.
  191. Inédite.
  192. Deuxième lettre à l’Espagne. Actes et Paroles. Pendant l’exil.
  193. Bibliothèque Nationale.
  194. M. Petit de Latour ayant érit un livre intitulé l’Abolition de la peine de mort, en offrit la dédicace à Victor Hugo, en lui envoyant la table des matières de son volume.
  195. Bibliothèque Nationale.
  196. J.-M. Carré. — Michelet et son temps. — Musée Carnavalet.
  197. D’Alton Shée avait, à la Chambre des Pairs, combattu la loi sur les fortifications de Paris.
  198. Archives de la famille de Victor Hugo.
  199. Jeanne la Flamme.
  200. Léon Séché. — Alfred de Vigny et son temps.
  201. Cette lettre a été publiée au chapitre premier des Actes et Paroles (1869), comme étant adressée à M.Volondaki, président du gouvernement provisoire de la Crète ; puis elle a été insérée par erreur dans la Correspondance, à la date du 12 janvier 1869. Nous la donnons ici d’après l’Indépendance hellénique du 31 décembre 1868, journal relié dans le manuscrit de Pendant l’exil. Reliquat. — Bibliothèque Nationale.
  202. Inédite.
  203. Ce petit volume a été donné par Paul Meurice à la Bibliothèque de la Maison de Victor Hugo.
  204. Bibliothèque Nationale.
  205. Archives de la famille de Victor Hugo.
  206. Inédite.
  207. Ce projet n’a pas été exécuté.
  208. Bibliothèque Nationale.
  209. Bibliothèque Nationale. i*) Réponse au discours : De l’éloquence parlementaire en France, couronné par l’Académie des jeux Floraux.
  210. L’éditeur Lacroix, en annonçant Par ordre du Roi, l’avait qualifié : roman historique.
  211. Archives de la famille de Victor Hugo.
  212. Actes et Paroles. Pendant l’exil. Historique. Édition de l’Imprimerie Nationale.