Correspondance de Voltaire/1732/Lettre 258
Jore est parti, mon cher ami, avec un ouvrage que je regrette, et un autre pour qui je crains : c’est le vôtre que je voudrais bien n’avoir pas perdu, et c’est le mien que je tremble de donner au public. Jore doit vous rendre ballet et tragédie. Vous trouverez Ériphyle bien changée ; lisez-la, je vous prie, avec notre aimable et judicieux ami, et dites-moi l’un et l’autre ce que vous en pensez. On peut aisément envoyer des corrections à son imprimeur, par la poste ; ne m’épargnez point, et lisez chaque vers avec sévérité. Vous allez peut-être faire languir quelques pauvres plaideurs, et différer quelque beau rapport, pour une mauvaise pièce ; vous direz, en parlant de mes vers :
Posthabui tamen illorum mea seria ludo.
Il n’y a rien de nouveau ici qu’une pièce médiocre qu’on joue presque incognito aux Italiens[1]. On bâille à Jephté, mais on y va ; il n’y a de livres nouveaux que l’Anatomie de Winslow[2].
Adieu, care amice.