Correspondance de Voltaire/1733/Lettre 309

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Correspondance de Voltaire/1733
Correspondance : année 1733GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 321-322).
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309. — Á M. DE CIDEVILLE.
Ce dimanche, 4 janvier 1733.

Ma santé est pire que jamais. J’ai peur d’être réduit, ce qui serait pour moi une disgrâce horrible, à ne plus travailler. Je suis dans un état qui me permet à peine d’écrire une lettre. Les vôtres m’ont charmé, mon cher Cideville ; elles font toujours ma consolation quand je souffre, et augmentent mes plaisirs quand j’en ai. Je n’écrirai point cette fois-ci à notre aimable Formont, par la raison que je n’en ai pas la force. Je lui aurais déjà envoyé les Lettres anglaises ; mais voici ce qui me tient : M. l’abbé de Rothelin m’a flatté qu’en adoucissant certains traits, je pourrais obtenir une permission tacite ; et je ne sais si je prendrai le parti de gâter mon ouvrage pour avoir une approbation.

Il a fallu que je changeasse l’Épître dédicatoire de Zaïre, qui aurait paru tout uniment et sans contradiction, sans le malentendu entre monsieur votre premier président et M. Rouillé. Heureusement, toute cette petite noise est entièrement apaisée. J′ai sacrifié mon Épître, et j’en fais une autres[1].

Vous n’êtes pas le seul qui corrigez vos vers, en voici trois que j’ai cru devoir changer, dans le premier acte de Zaïre. Je vous soumets cette rognure, comme tout le reste de l’ouvrage.

FATIME.

Vous allez épouser leur superbe vainqueur.

ZAÏRE.

Eh ! qui refuserait le présent de son cœur !
De toute ma faiblesse il faut que je convienne,
Peut-être que sans lui j’aurais été chrétienne,
Peut-être qu’à ta loi j’aurais sacrifié ;
Mais Orosmane m’aime, et j’ai tout oublié.
Je ne vois qu’Orosmane, etc.

Il me semble que tout ce qui sert à préparer la conversion de Zaïre est nécessaire ; et qu’ainsi ces vers doivent être préférés à ceux qui étaient en cet endroit.

Adieu ; il ne se fait plus de bons vers qu’à Rouen. Les lettres que vous m’écrivez en sont farcies. M. de Formont a envoyé une petite épître à Mme  de Fontaine-Martel qui aurait fait honneur à Sarrasin et à l’abbé de Chaulieu. Adieu ; la plume me tombe des mains.

  1. Voyez la note, tome II, page 537.