Correspondance de Voltaire/1735/Lettre 506

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Correspondance de Voltaire/1735
Correspondance : année 1735GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 33 (p. 526).
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506. — Á M. L’ABBÉ DESFONTAINES.
À Cirey, près de Vassy en Champagne, ce 7 septembre.

Je m’amusai, il y a quelques années, à faire une tragédie en trois actes, de la Mort de Jules César. C’est une pièce tout opposée au goût de notre nation. Il n’y a point de femme dans cette pièce ; il n’est question que de l’amour de la patrie ; d’ailleurs elle est aussi singulière par l’arrangement théâtral que par les sentiments. En un mot, elle n’est point faite pour le public. Je l’avais confiée, il y a deux ans, à MM. de …[1], qui la représentèrent, et qui eurent la fidélité de n’en garder aucune copie. J’ai eu, en dernier lieu, la même confiance dans M. l’abbé Asselin, proviseur d’Harcourt, que j’aime et que j’estime ; mais il n’a pu, malgré ses soins, empêcher que quelqu’un de son collège n’en ait tiré une copie. Voilà la tragédie aujourd’hui imprimée, à ce que j’apprends, pleine de fautes, de transpositions, et d’omissions considérables. On dit même que le professeur de rhétorique d’Harcourt, qui était chargé de la représentation, y a changé plusieurs vers. Ce n’est plus mon ouvrage. Je sens bien cependant qu’on me jugera comme si j’étais l’éditeur, et que la calomnie se joindra à la critique. Tout ce que je demande, c’est que l’on sache que cette pièce n’est point imprimée telle que je l’ai faite, et que je suis bien loin d’avoir la moindre part à cette édition. Je vous prie d’en dire deux mots dans l’occasion, etc…

  1. Sassenage : voyez la lettre 504.