Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 571

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Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 44-45).
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571. — Á M. THIERIOT.
À Cirey, ce 6 mars.

Je suis bien malade, mon ami ; mais cela n’empêche pas que je n’aie encore envoyé des changements à M. d’Argental, car il faut bien toujours corriger.

On se moque de moi, quand on veut que je m’excuse sur mon goût pour les Anglais. Il n’est question, dans mon apologie, que de ce qui a été imprimé contre moi ; d’ailleurs, je me donnerai bien de garde de me rendre coupable de cette bassesse envers une nation à qui j’ai obligation, et qui peut encore me donner un asile. Je n’ai offensé ni voulu jamais offenser Marivaux, que je ne connais point, et dont je ne lis jamais les ouvrages. S’il fait un livre contre moi, ce n’est pas par vengeance, car il l’aurait déjà fait paraître ; ce n’est que par intérêt, puisque le libraire, qui ne lui offrait que cinq cents francs, lui en donne cent pistoles, cette année.

À la bonne heure, que ce misérable gagne de l’argent, comme tant d’autres, à me dire des injures : il est juste que l’auteur de la Voiture embourbée, du Tèlèmaque travesti, et du Paysan parvenu, écrive contre l’auteur de la Henriade ; mais il est aussi d’un trop malhonnête homme de vouloir réveiller la querelle des Lettres philosophiques, et de m’exposer à la colère du garde des sceaux, en répandant que vous êtes intéressé à ces Lettres philosophiques, de toute façon.

Mme la marquise du Chàtelet a déjà écrit à M. le bailli de Froulai pour le prier d’en parler au garde des sceaux. Suivez cela très-sérieusement, je vous en prie. Parlez à M. le marquis de Froulai. Faites prévenir M. Rouillé par M. d’Argental et par M. le président Hénault. Ils m’épargneront la peine de couvrir ce zoïle impertinent de l’opprobre et de la confusion qu’il mérite. Adieu ; votre amitié m’est plus précieuse que les outrages de tous ces gens-là ne me sont sensibles.

    (poëte latin qui revit lÉnéide). L’auteur de Zaïre n’approuvait pas toujours les corrections que faisait La Popelinière ; voyez la lettre à M. Berger, du 29 juin 1740. (B.)