Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 589

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Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 64-65).
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589. — À M. L’ABBÉ : MOUSSINOT[1].

Pour vous punir, mon cher ami, de n’avoir pas envoyé chercher le jeune Baculard d’Arnaud, étudiant en philosophie au collège d’Harcourt, et demeurant chez M. Delacroix, rue Moulletard, pour vous punir, dis-je, de ne lui avoir pas donné l’épître sur la Calomnie, et douze francs[2], je vous condamne à lui donner un louis d’or, et à l’exhorter de ma part à apprendre à écrire, ce qui peut contribuer à sa fortune.

C’est une petite œuvre de charité, soit chrétienne, soit mondaine, qu’il ne faut pas négliger.

Que dites-vous de ce petit Lamare, qui est venu escroquer de l’argent chez vous par un mensonge, et qui ne m’a pas écrit depuis que j’ai quitté Paris ? L’ingratitude me parait innée dans le genre humain, bien plus que les idées métaphysiques dont parlent Descartes et Malebranche.

J’attends de vos nouvelles avec impatience, et je vous embrasse de tout mon cœur.

J’écris au jeune d’Arnaud. Au lieu de vingt-quatre francs, donnez-lui trente livres quand il viendra. Je vais vite cacheter ma lettre, de peur que je n’augmente la somme.

Reçu trente livres. Signé Baculard d´Arnaud.

  1. Édition Courlat.
  2. Voyez la lettre 587.