Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 592

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Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 67-68).
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592. — À M. BERGER.
À Cirey, le 5 avril.

Si je n’avais que la Henriade à corriger, vous l’auriez déjà, mon cher plénipotentiaire. Mais j’ai bien des occupations, et peu de temps. Vous n’aurez la Henriade que vers la fin du mois. Je confie avec plaisir aux soins du meilleur critique[1] de Paris le moins mauvais de mes ouvrages. Vous serez le parrain de mon enfant gâté. M. Thieriot approuve mon choix, et partage ma reconnaissance. Pour vous, mon cher correspondant, voulez-vous bien envoyer chez M. Demoulin les livres nouveaux dont vous croyez la lecture digne de la déesse de Cirey ? Vous n’en enverrez guère, et cela ne nous ennuiera pas. J’ai prié M. Thieriot de chercher le nouveau recueil[2] fait par Saint-Hyacinthe.

On parle d’une ode de Piron sur les Miracles. Le nom de Piron est heureux pour un sujet où il faut au moins douter. Si le Piron français est aussi bon poète que le Pyrrhon grec était sensé philosophe, son ode doit être brûlée ; par l´inquisition. Ayez, je vous prie, la bonté de me l’envoyer.

On me mande que Bauche va imprimer Alzire. Je lui ai envoyé il y a quinze jours, Zaïre corrigée, pour en faire une nouvelle édition. Ce sera peut-être lui que vous choisirez pour l’édition de la Henriade ; mais c’est à condition qu’il imprimera toujours français par un a, et non pas un o. Il n’y a que saint François qu’on doive écrire par un o, et il n’y a que l’Académie qui prononce le nom de notre nation comme celui du fondateur des capucins.

J’ai trouvé l’opéra[3] de M. de La Bruère plein de grâce et d’esprit. Je lui souhaite un musicien aussi aimable que le poëte.

J’ai écrit à gentil Bernard, pour le prier de m’envoyer ce qu’il aura fait de nouveau. Adieu, l’ami des arts et le mien.

P. S. La comédie du B…[4] est de Caylus. Voulez-vous bien me la faire tenir ? Envoyez-la chez Demoulin. Je ferai le bien que je pourrai au petit Lamare ; mais il faudrait qu’il fût plus sage et plus digne de votre amitié, s’il veut réussir dans le monde.

  1. Thieriot ne donna pas de remarques sur la Henriade.
  2. Recueil de divers écrits sur l’amour et l’amitié, la politesse, la volupté, les sentiments agréables, l’esprit, et le cœur ; 1736, in-12.
  3. Les Voyages de l’Amour, opéra-ballet, musique de Boismortier, représenté le 3 mai 1736 ; voyez dans les Poésies mêlées, tome X, page 514, les vers de Voltaire à l’auleur.
  4. Le B… ou le J…-f….. puni, comédie en prose, en trois actes ; 1736. in-8o.