Correspondance de Voltaire/1736/Lettre 668

La bibliothèque libre.
Correspondance : année 1736GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 155).
◄  Lettre 667
Lettre 669  ►

668. — À M. PRAULT[1].
Ce 27 octobre.

Le projet que vous avez de donner un recueil de mes faibles ouvrages redouble en moi l’ardeur de les corriger : non-seulement je retouche la Henriade avec un soin très-scrupuleux, mais je retravaille toutes mes tragédies.

Envoyez-moi, mon cher Prault, trois Brutus, trois Œdipe, avec l’exemplaire de l´Œdipe corrigé, que vous devez avoir. Je prétends les envoyer aux comédiens, avec les nouveaux changements, qui sont très-considérables, et vous les imprimerez tels que les comédiens les auront représentés.

Mandez-moi si on a joué l’Enfant prodigue tel que vous l’avez imprimé. Je voudrais que votre édition fût brûlée, aussi bien que tout ce que j’ai fait. Je ne suis content de rien, et je raccommode tout.

Je vous dois de l’argent ; mais au lieu de vous en donner je vous proposerai d’en débourser. Envoyez chercher M. Linant ; vous en aurez des nouvelles chez un nommé Demoulin, vis-à-vis le cul-de-sac d’Argenson, vieille rue du Temple. Il a fait une tragédie qui doit avoir du succès : donnez-lui cinquante francs de ma part ; je vous les rendrai, s’il ne vous les rend sur l’impression de sa pièce.

Autre argent à placer : Lamare pourrait aussi vous donner quelque chose ; faites le même marché avec lui : j’en répondrai de même ; cela est dans l’ordre, quand les marchands encouragent les ouvriers, et que les libraires assistent les auteurs. Mais vous ne risquez rien ; je me charge de tout.

Répondez, par Dieu, ou je vous renie : avant de vous renier, je vous embrasse.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.