Correspondance de Voltaire/1737/Lettre 742

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Correspondance : année 1737GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 34 (p. 251-253).
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742. — À M.  L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 20 (avril 1737).

J’ai reçu, mon cher ami, votre lettre du 8 avril, ou 9, car le cachet a emporté le chiffre. J’ai envoyé à Joinville chercher ce ballot que vous m’aviez mandé devoir y être arrivé. Il doit en effet être parti le 1er avril. Cependant c’est aujourd’hui le 20, et rien n’est arrivé.

Je vous prie d’envoyer au coche de Joinville savoir ce qu’est devenu le ballot pour le sieur Ferrand, à Cirey par Joinville.

Je vais envoyer aussi à Bar-sur-Aube chercher l’autre ballot à l’adresse de Mme de Champbonin, et je ne fermerai ma lettre que quand j’en aurai des nouvelles.

Je vous demande bien pardon du détail fatigant de toutes ces petites commissions ; mais il faut avoir pitié des campagnards.

Si on a oublié de mettre, dans les deux ballots que j’attends, un balai de plumes pour les meubles, et trois brosses pour frotter le parquet, je vous prie d’en faire souvenir le commissionnaire que vous voulez bien charger de ces achats. Ce commissionnaire m’achètera aussi, si vous le voulez bien :

Des ciseaux de poche très-bons ;

Deux petites pinces de toilette pour femme. Il ne faut pas de ces petites pinces du quai de Gesvres, mais de celles qu’on vend rue Saint-Honoré. Elles coûtent, je crois, vingt ou vingt-quatre sous. Voilà bien des détails dont je suis honteux. Passons à d’autres.

M. l’abbé de Breteuil[2] est venu ici ; il cherche des estampes pour son appartement ; s’il m’en restait une demi-douzaine d’assez jolies, vous me feriez plaisir de les lui envoyer de ma part. Il faudrait qu’elles fussent de grandeurs à peu près égales. Vous auriez la bonté d’y joindre un petit mot de lettre, par lequel vous lui diriez qu’ayant recommandé qu’on lui présentât de ma part les estampes qui me restent, vous n’avez que celles-là, et qu’il est supplié de vouloir bien les accepter.

Pinga dit partout qu’il vend mes effets, et cela fait un beaucoup plus mauvais effet que tout ce que je vends. Je me flatte, mon cher ami, que vous me gardez mieux le secret sur toutes mes petites affaires. Vous avez, Dieu merci, toutes les bonnes qualités.

Venons à présent aux affaires véritables :

M. le prince de Guise me doit trois années, à peu de chose près, d’une rente de 2,500 livres ; M. de Lézeau, de Rouen, trois années et plus, d’une rente de 2,300 livres ; M. de Goesbriant, quatre années et plus, d’une rente de 540 livres.

Il faut absolument se faire payer de M. de Guise et de M. de Lézeau. Ainsi, après la première lettre écrite à ces messieurs, il faut en écrire une seconde, en ces termes :

« Monsieur, sachant le besoin pressant où est M. de Voltaire, sur lequel on a fait plusieurs saisies, je me trouve dans la nécessité indispensable de vous supplier de vouloir bien lui accorder un prompt payement, et, afin que dorénavant ces détails ne vous soient plus importuns, je vous prie de permettre de m’adresser à tel de vos fermiers que vous voudrez choisir. »

Sur la réponse ou le silence de ces messieurs, nous verrons quel parti on pourra prendre.

M. le marquis du Châtelet a dû acheter pour moi deux vestes brodées ; je vous prie de lui en compter l’argent. S’il avait payé Penel, je vous prie de lui rembourser aussi cette somme.

Comme nos lettres sont trop longtemps à parvenir par la voie dont nous nous sommes servis jusqu’à présent, je vous prie dorénavant d’écrire à Mme  d’Azilly à Cirey, et de ne jamais rien mettre dans vos lettres qui fasse voir trop clairement que c’est à moi que vous écrivez. Je me trouve très-bien de mon obscurité. Je ne veux avoir de commerce de lettres avec personne, et veux être ignoré de tout le monde hors de vous que j’aime de tout mon cœur.

Reçu le ballot de Bar-sur-Aube.

Point de nouvelles de celui de Joinville.

  1. Édition Courtat.
  2. Frère de Mme  du Châtelet ; la lettre 465 lui est adressée.