Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 944

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Correspondance de Voltaire/1738
Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 21-22).
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944. — À M. THIERIOT[1].
Ce 22 octobre, à Cirey.

Je reçois, mon cher Thieriot, votre lettre du 12 par l’autre voie, avec une lettre du prince qui me comble de joie ; il peut arriver très-bien que je le voie en 1739, et que vous ayez un établissement aussi assuré qu’agréable. Gardez un profond secret.

Les vers de ce misérable Rousseau, dans lesquels il ose maltraiter M. de La Popelinière, ne sont qu’une suite d’autres vers presque aussi mauvais, que Bonneval a envoyés à Rousseau, dans lesquels il parlait indignement de M. et de Mme  de La Popelinière, à propos de musique et de Rameau.

Je voudrais qu’on fît un exemple de ces gredins obscurs, qui ont l’impertinence d’attaquer ce qu’il y a de plus estimable dans le monde. Quant à Bonneval, que vous m’apprenez être précepteur chez M. de Montmartel, je ne crois pas qu’il y reste longtemps. Il ne tient qu’à vous de contribuer à le punir : faites tenir le paquet ci-inclus à M. de Montmartel, et datez mes lettres. Souvenez-vous bien qu’en votre présence et devant notre ami Berger, Latour m’a dit tout ce que je lui rappelle dans ma lettre. Faites-vous confirmer ces faits par Latour, et ensuite faites rendre à M. de Montmartel mon paquet. Conduisez-vous dans cette affaire avec la même prudence que dans celle de Dalainval, et vous réussirez de même. Est-il vrai que ce coquin de Dalainval est hors de la Bastille ? Rafraîchissez la mémoire à Latour, afin qu’il puisse répondre en conformité à ma lettre, que lui fera rendre M. de Montmartel, qui par là connaîtra Bonneval à ne pouvoir s’y méprendre.

À l’égard de Rousseau, est-il possible qu’on puisse encore être la dupe de l’hypocrisie de ce scélérat ? La lettre du sieur Médine, banquier, que je vous envoyai l’année passée, fait bien voir que le monstre mourra dans l’impénitence finale, et, qui pis est, dans le crime de faire de mauvais vers. Avez-vous cette lettre de Médine ? Je vous l’enverrai si elle vous manque. Recommandez-moi bien à M. d’Argenson, et surtout au très-digne philosophe Bayle-des-Alleurs. Il faut absolument que je sache ce que vous me dites en énigme sur le compte de Linant : cela est important, puisqu’il a demeuré dans la maison[2].

Un petit mot touchant les Épîtres.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.
  2. À Cirey.