Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 955

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Correspondance de Voltaire/1738
Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 33-35).
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955. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 4 novembre 1738.

Je reçois, mon cher ami, votre lettre du 30.

Je vous suis très-obligé de la peine que vous avez bien voulu prendre de porter ces cinq cents livres.

M. Pitot a la bonté de me faire un petit modèle en carton d’une cheminée telle que je le demande. Voudriez-vous bien envoyer quelqu’un lui demander de ma part le modèle ? Vous me l’enverriez bien empaqueté par le premier envoi.

Je vous supplie de charger M. Bégon d’envoyer un commandement à Demoulin pour les mille livres, et, sitôt que le commandement sera fait, je vous prie d’envoyer à sa femme l’écrit ci-joint, et, sur la réponse qu’on fera à cet écrit, je réglerai mes démarches. Je vous recommande de vouloir bien tirer des reçus de tout ce que vous donnerez à l’avocat au conseil, pour l’affaire de M. de Guise : car sans cela ces frais seraient en pure perte, et il est juste qu’ils soient remboursés par M. de Guise, qui m’oblige à les faire. À l’égard du sieur Prault, il doit savoir qu’on ne s’interdit jamais la liberté des éditions étrangères. Sitôt qu’un livre est imprimé à Paris avec privilège, les libraires de Hollande s’en saisissent, et le premier qui l’imprime est celui qui en a le privilège exclusif dans ce pays-là ; et pour avoir ce droit d’imprimer ce livre le premier en Hollande, il suffit de faire annoncer l’ouvrage dans les gazettes. C’est un usage établi, et qui tient lieu de loi.

Or quand je veux favoriser un libraire de Hollande, je l’avertis de l’ouvrage que je fais imprimer en France, et je tache qu’il en ait le premier exemplaire, afin qu’il prenne les devants sur ses confrères : j’ai donc promis à un libraire hollandais que je lui ferais avoir incessamment l’ouvrage en question, dès qu’il serait commencé d’imprimer à Paris, avec privilège, et je lui ai promis cette petite faveur pour l’indemniser de ce que l’on tarde à lui faire achever l’édition des Éléments de Newton, qu’il a commencée il y a près d’un an. Il ne s’agit que de hâter le sieur Prault, afin de hâter en même temps le petit avantage qui indemnisera le libraire hollandais que j’affectionne, et qui est très-honnête homme. Le sieur Prault sait très-bien ce dont il s’agit ; mais, pour prévenir toute difficulté, je vous envoyai un petit mot que je vous priai de lui faire tenir, et j’attends sa réponse. Je serais surpris qu’il fût mécontent, car, encore un coup, il doit savoir que son privilège est pour la France, et non pour la Hollande ; il n’a même transigé avec M. Pitot, pour les Eléments de Newton, que sur ce pied-là, et à la condition même qu’on imprimerait à la fois à Paris et à Amsterdam, et c’est pour cela que j’ai retardé l’impression de cette philosophie en Hollande. Je vous mets au fait, et je vous demande pardon de ce verbiage.

On m’avait mandé que tous les meubles d’Arouet avaient été brûlés, et son logement consumé : je vois qu’il n’en est rien.

Je crois que mes neveux auront bien de leurs père et mère environ trois cent cinquante mille livres à partager. Si vous savez quelque chose de leurs affaires, vous me ferez plaisir de m’en instruire.

J’attends réponse du sieur Thieriot, le marchand.

Vous m’avez demandé, il y a quelques mois, une reconnaissance pour le fermier de Belle-Poule, qui apparemment a fini son bail. Il devrait bien indiquer quel est son successeur. Si vous ne le savez pas, je vous conseille d’écrire au fermier de Belle-Poule, en blanc, au Pont-de-Cé, près d’Angers, et de lui mander qu’il tienne deux mille livres prêtes pour le 1er janvier, suivant les termes de mon contrat avec M. d’Estaing, et qu’il vous mande à qui il faudra s’adresser, et quel est à Paris son correspondant. Si nous ne prenons cette précaution de bonne heure, nous ne serons payés que fort tard.

Il faut payer le voyage du chimiste, et en demeurer là avec lui.

Adieu, mon cher abbé.

  1. Édition Courtat.