Correspondance de Voltaire/1738/Lettre 984

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Correspondance de Voltaire/1738
Correspondance : année 1738GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 69-70).
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984. — À M. THIERIOT[1].
Ce 13 décembre.

Je ne suis point du tout de l’avis de Mme du Châtelet sur le commencement de m’Épître sur l’Égalité des conditions, et les premiers vers,

Ami, dont la vertu toujours égale et pure, etc.,


satisfont mon cœur et mon esprit bien plus que la leçon que je faisais à Hermotime.

Le mot affreux, deux fois répété dans l’Épître sur la Modération, n’y est plus.

Vivre avec un ami toujours sûr de vous plaire
Exige en tous les deux une âme non vulgaire.

Ces deux vers, dont je n’ai jamais pris le parti, sont corrigés ainsi :

Ah ! pour vous voir toujours sans jamais vous déplaire,
Il faut un cœur plus noble, une âme moins vulgaire, etc.

Je vous avais prié de donner à M. d’Argental une copie de l’Epître sur la Nature du plaisir, qui commence ainsi :

Jusqu’à quand verrons-nous ce rêveur fanatique, etc.

Elle demande encore des adoucissements ; il faudra lui donner son passe-port. Je vous enverrai bientôt la tragédie de Brutus, entièrement réformée et défaite heureusement des églogues de Tullie.

Je vous enverrai Œdipe tout corrigé, et vous aurez encore bien autre chose : que Dieu me donne vie, et vous serez content de moi. Je brûle de vous faire voir les corrections sans fin de la Henriade. Si le royaume des cieux est pour les gens qui s’amendent, j’y aurai part ; s’il est pour ceux qui aiment tendrement leurs amis, je serai un saint. Platon mettait dans le ciel les amis à la première place ; j’y serais encore en cette qualité. Adieu, mon cher ami. L’Élu V.

Avez-vous reçu le paquet pour le père de Dardanus ? Mandez-moi l’adresse de M. Algarotti. Excusez-moi auprès du prince sur ma pauvre santé.

  1. Éditeurs, Bavoux et François.