Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1070

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 171-172).

1070. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
Ce 14 février.

Il faut me les pardonner, toutes ces importunités ; c’est un des fardeaux attachés à la charge d’ange gardien.

Vous avez dû, mon respectable ami, recevoir un paquet, par Thieriot, contenant des remerciements, des prières, et une lettre de M. d’Argenson. M. de Caylus m’écrit que M. de Maurepas croit l’affaire portée au Châtelet, et qu’ainsi il a les mains liées ; et moi, je mande aujourd’hui sur-le-champ qu’il n’en est rien, et j’ai obéi entièrement à vos sages conseils, et que, si M. Hérault est chargé de l’affaire, j’implore les bontés de M. de Maurepas et la sollicitation de M. de Caylus. J’écris en conformité à M. de Maurepas, et je compte bien que mon ange gardien ou son frère dira quelque chose à M. de Maurepas.

Mais aussi ne me trompé-je point ? L’affaire est-elle renvoyée à M. Hérault ? Je suis à cinquante lieues ; les lettres se croisent ; les nouvelles se détruisent l’une l’autre ; je passe les jours et les nuits à prendre des partis hasardés, à faire, à défaire, et mon ennemi est victorieux dans Paris,

Mon cher ange gardien, ne puis-je espérer qu’il soit forcé à donner un désaveu de ses calomnies qui sont prouvées ? Ne pourriez-vous pas faire condamner au moins le libelle comme scandaleux, sans nommer l’auteur ? monsieur l’avocat général pourrait-il s’en charger ? La lettre de M. Deniau, que j’attends, et qui servira de désaveu de la part des avocats, ne pourrait-elle pas servir à faire condamner le libelle ? Je n’ai que des doutes à proposer ; c’est à vous à décider. Tout ce que je sais, c’est que mon honneur m’engage à avoir raison de Desfontaines et de Saint-Hyacinthe,

Zulime se plaint bien plus que moi de tout ce malheureux procès ; elle dit que si son auteur reste dans cette affliction, elle est découragée, Ranimez la fille et le père, mon cher ami ; rendez le repos à Cirey. Mme du Châtelet vous dit qu’elle vous aime de tout son cœur.

Mille respects à Mme d’Argental.

Songez, je vous prie, que j’ai envoyé mon mémoire à monsieur le chancelier, mais uniquement comme une espèce de requête ; je ne le ferai imprimer que quand il le trouvera bon, et que vous le jugerez à propos. Le chevalier de Mouhy, qui est un homme d’un zèle un peu ardent, s’empressait de l’imprimer ; je lui ai écrit fortement de n’en rien faire. Je voudrais que mon mémoire pût paraître avec la satisfaction qui me serait procurée, et qui en paraîtrait la suite ; mais cela se peut-il ?

Voulez-vous permettre que je vous envoie Berger, les jours de poste ? Il vous soulagera du fardeau d’écrire trop souvent ; il m’instruira de vos ordres ; il fera ce que vous ordonnerez ; il est très-sage.

Mme de Champbonin doit vous instruire de mes démarches ; elle doit, comme ma parente, se trouver à l’audience de monsieur le chancelier, avec Mignot et même Thieriot. Dites à ce Thieriot,

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.