Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1080

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 184-186).

1080. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].

Lettre que M. Moussinot fera voir à M. Bégon.

Ce 22 (février 1739).

Je ne perds point de vue du tout la juste réparation que je suis en droit d’exiger de ce malheureux abbé Desfontaines. Monsieur le chancelier, M. d’Argenson, M. Hérault, ont conclu qu’il fallait l’assigner au tribunal de la commission de M. Hérault.

M. de Maurepas et M. Hérault m’ont fait l’honneur sur cela de m’écrire.

J’ai eu l’honneur de leur répondre que je ne souhaitais, en mon particulier, qu’un désaveu des calomnies, aussi authentique que les calomnies mêmes ; que d’ailleurs je n’empêchais point qu’une requête signée de plusieurs gens de lettres, et avec la signature d’un procureur, fût présentée juridiquement ; que . sur cette requête M. Hérault pouvait agir et déployer sa justice ; qu’ensuite mes parents interviendraient ;

Que, s’il était nécessaire, je ferais présenter la requête en mon nom ; mais qu’alors M. Hérault serait peut-être obligé de m’assigner pour être ouï ; qu’en ce cas, ma santé ne me permettant pas d’aller à Paris, ni de me transporter, il faudrait qu’un juge voisin vînt recevoir mes dépositions à Cirey, ce qui peut-être est difficile à obtenir ;

Qu’enfin je m’en rapportais uniquement à M. Hérault.

Voilà où en est l’affaire. Si MM. Andry et Procope, etc., qui ont déjà signé une requête inutile, en veulent signer aujourd’hui une nécessaire, c’est un point capital, et que je supplie M. Moussinot et M. Bégon de presser et de faire réussir.

Le tribunal de M. Hérault m’est plus avantageux que celui du Châtelet :

1o  Parce qu’il n’y a point d’appel ;

2o  Parce qu’il est plus expéditif ;

3o  Qu’il n’y a pas de factums ;

4o  Que je n’ai pas à y craindre de dénonciations étrangères au sujet ;

5o  Que M. d’Aguesseau, M. de Maurepas, M. d’Argenson, M, de Meinières, beau-frère de M. Hérault, me protégeant ouvertement, M. le cardinal désirant surtout la punition de Desfontaines, et en ayant parlé à M. Hérault, ce serait me manquer à moi-même de ne pas profiter de tant de circonstances heureuses.

6o  Parce qu’il n’y a aucune preuve contre moi, et que les preuves fourmillent contre l’abbé Desfontaines, appuyées de l’horreur publique. Donc il faut presser l’affaire auprès de M. Hérault, faire présenter une requête signée par deux personnes, le chevalier de Mouhy en fût-il une, et sur-le-champ une requête signée par M. Mignot, M. de Montigny, et Mme de Champbonin, mes parents.

Je vous dis, je vous certifie que, sur ces requêtes préliminaires, M. Hérault est obligé d’agir d’office ; qu’alors il doit procéder contre Desfontaines, Chaubert, etc., non-seulement pour avoir débité des calomnies, mais pour avoir imprimé sans permission. C’est là une matière très-criminelle dont M. Hérault connaît expressément.

Je vous réponds en ce cas de la punition de Desfontaines.

Présentez donc sur-le-champ une requête au nom de Mouhy, Procope, Séran de Latour.

Que M. Mignot, M. Montigny et Mme  Champbonin en signent aussi une. Encore une fois, le moindre ressort mettra en mouvement cette machine.

Ne perdez pas un moment : il y a un mois que cela devrait être fait.

Surtout ne laissez pas dépérir les preuves ; que les noms de ceux qui ont acheté le livre chez Chaubert et Mérigot soient présentés à M. Hérault.

Comptez que cela sera très-sommaire, et qu’on aura bonne justice. Mais, je vous en conjure, agissez sans perdre un instant.

Il faut savoir surtout si c’est comme lieutenant de police ou comme commissaire du conseil que M. Hérault agit.

  1. Édition Courtat.