Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1084
Mon cher ami, et quoi ! malgré votre sagesse, vous tàtez aussi de l’amertume de cette vie ! Ne pourrais-je verser une goutte de miel dans ce calice ? Nous sommes bien éloignés, mais l’amitié rapproche tout. M. de Lézeau me doit environ mille écus, accommodez-vous-en sans façon ; je vous ferai le transport, envoyez-moi le modèle. Si j’avais plus, je vous offrirais plus.
Mèrope est trop heureuse. Puisse-t-elle vous amuser ! J’aime mieux qu’un ami en ait les prémices que de les donner au parterre.
Je suis accablé de maladies, de calomnies, de chagrins ; mais enfin je vis dans le sein de l’amitié, loin des hommes cruels, envieux et trompeurs. Cideville, mon cher Cideville m’aime toujours ; je suis consolé.
Pardon de vous dire si peu de choses ; mon cœur est plein, et je voudrais le répandre avec vous ; je voudrais passer un jour entier à vous écrire ; mais les affaires, les travaux, m’emportent ; je n’ai pas un moment, et l’homme du monde qui vous aime le mieux est celui qui vous écrit le moins. L’adorable Émilie vous fait mille compliments.