Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1093

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 200-201).

1093. — À M. LE LIEUTENANT GÉNÉRAL DE POLICE[1].
Ce 2 mars.

Permettez que je vous renouvelle encore mes très-humbles prières et ma reconnaissance. Je crois toujours le bon ordre dont vous êtes le soutien intéressé dans l’affaire de l’abbé Desfontaines. Il me paraît encore (en me soumettant toujours à vos lumières et à vos ordres), qu’il est plus décent pour moi que quelqu’un de ma famille, mon neveu, par exemple, officier à la chambre des comptes, dont le grand’père est traité de paysan, etc., vous rende plainte contre le libelle, en se désistant dans les vingt-quatre heures, et en laissant agir votre justice. C’est dans cette vue que je lui écris de vous présenter requête. Je suis toujours prêt à vous en présenter une en mon nom, si vous le jugez à propos.

J’aurai d’ailleurs l’honneur de vous avertir que l’abbé Desfontaines, agissant puissamment auprès de monsieur le procureur du roi, prétend que vous ne pouvez pas être son juge.

Mais moi, monsieur, tout ce que je souhaite et tout ce que je demande, c’est que cette affaire se termine par votre autorité, soit de juge, soit d’homme du roi, chargé du repos et de l’honneur des citoyens.

Vous avez, monsieur, en main les preuves qui démontrent les calomnies du sieur Desfontaines ; vous ne doutez pas qu’il ne soit l’auteur du libelle infâme ; vous connaissez l’homme, vous l’avez déjà puni.

J’oserais vous demander en grâce, monsieur, de daigner au moins lui parler au nom du roi, qui vous confie une partie de son autorité, et d’exiger de lui un désaveu des calomnies infâmes répandues dans ce libelle. La juste crainte où il est d’un châtiment plus sévère, et son respect pour vous, ne lui permettront pas de se soustraire à des ordres si équitables et si modérés.

D’ailleurs, monsieur, j’ai remis sur cela mes intérêts entre les mains de M. le marquis du Châtelet, qui veut bien avoir la bonté de s’en charger, et qui joindra aux bontés infinies dont il m’honore celle de vous présenter ma respectueuse reconnaissance.

  1. Éditeur Léouzon Leduc