Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1176

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 297-298).

1176. — À M. LE MARQUIS D’ARGENS[1].
À Bruxelles, 4 juillet.

Mon cher marquis philosophe, quelle étoile nous sépare avant de nous avoir réunis ? Vous êtes encore à Maestricht, comme je le vois par votre lettre du 30 août ; et moi, je pars sur la fin de cette semaine pour aller faire un tour à Paris, où je resterai près de trois semaines. Vous retrouverai-je à mon retour ? Pourrai-je avoir le plaisir de relire vos ouvrages et de revoir l’auteur, que j’aime encore plus qu’eux ?

Vous me demandez si je sais que Milton a fait autre chose que des vers. Vous n’avez donc pas lu ce que j’en dis dans l’article qui le regarde, à la fin de la Henriade ? Pour vous en punir, les Ledet et Desbordes ont ordre de vous présenter leur nouvelle édition, en grand papier, qui m’a paru très-belle.

Permettez-moi, en vous remerciant tendrement de ce que vous avez fait, de vous envoyer encore les pièces ci-jointes que je vous prie de recommander à Paupie. J’ai extrêmement à cœur que des choses si vraies et si authentiques soient publiées, et j’ai un plaisir bien sensible à me voir défendu par vous contre un scélérat.

Les Français deviennent plus Romains que jamais, j’entends Romains du Bas-Empire. Adieu ; j’ai pour vous l’estime que je dois à ceux qui pensent comme les Romains de la république. Je suis ici dans un pays où il n’y a ni Scipions, ni Cicérons ; mais j’y joue au brelan, j’y fais grande chère, et je me dépique avec les plaisirs de l’abandon où je vois ici les lettres. Vale et me ama.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.