Correspondance de Voltaire/1739/Lettre 1219

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Correspondance de Voltaire/1739
Correspondance : année 1739GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 352-353).

1219. — À M. L’ABBÉ MOUSSINOT[1].
Ce 26 (décembre 1739).

Eh bien, mon cher ami, vous avez donc employé les cent vieux louis ; soit. Tout ce que vous faites est bien, et vidit quod esset : honum, et est bonum d’avoir trois mille livres-de rente de plus. Il faudra un peu pâtir, cette année 1740, mais aussi, si Dieu permet que je vive, je vivrai à mon aise.

J’ai laissé deux tasses de porcelaine montées avec leurs soucoupes chez M. le duc de Richelieu. Peut-être les aura-t-on laissées dans la chambre, et, en ce cas, vous pourrez les faire redemander par un billet à son concierge dans la maison du Temple ; ou bien vous les avez, et, en ce cas, je vous supplie de me les envoyer par le coche. Je vous prie d’y joindre un énorme pot de pâte liquide, que vous enverrez prendre chez Provost, rue Saint-Antoine, et un très-petit pot de pommade de concombre, belles commissions encore ! Quatre bouteilles d’esprit-de-vin, et puis c’est tout, et pardon.

À l’égard de l’affaire du sieur Collens, je persiste dans mon idée qu’il faut m’en tenir uniquement à me faire rembourser de l’argent que j’ai avancé, compter votre voyage uniquement pour une partie de plaisir qui n’a pas trop coûté, et engager Collens à se charger du remboursement de la façon que je propose. Toute l’affaire est tellement embrouillée que Collens peut encore me demander ( ? ) de la fausse déclaration, parce qu’il a un billet de moi, écrit à son correspondant de Valenciennes, par lequel je chargeais mon valet de chambre de la déclaration dont Collens est l’unique cause. Il pourrait se servir de cette lettre. Je gagnerais le procès, au moins je le crois, mais il serait encore désagréable de le gagner.

Il faut donc qu’il y ait entre lui et vous un compromis bien net, avant que je fasse rien ici. Considérez, je vous prie, qu’il paraît que les tableaux lui appartiennent, et que, si je payais encore le rachat de ces tableaux, il pourrait les revendiquer ; il pourrait dire : J’ai au moins moitié dans tout, et je ne dois rien payer du rachat ; au lieu que, si vous l’engagez à convenir par écrit que vous avez prêté, avancé dix-huit cents florins ou environ pour le total des tableaux, que ces dix-huit cents florins doivent vous être remboursés préalablement à tout, il fait une chose très-juste, et il finit toute discussion. Mais je n’irai pas, moi, donner encore ici deux mille livres au moins, pour hasarder de les perdre encore : je recule tant que je peux ; mais je ne peux pas différer toujours. Il faut finir. Le pis-aller serait d’abandonner le tout aux commis, pour les trois cents florins de taxation, et que vous gardiez l’argent que vous aurez touché des autres tableaux vendus à Paris. Gardez toujours à tout événement l’argent qui proviendra de la vente de ce qu’il a emporté, et que vous pourrez toucher, car il peut très-bien arriver que ceci tourne fort mal. Je n’avancerai pas un sou à Bruxelles sans avoir un billet de Collens qui me réponde de ce que j’ai déjà avancé. Cela me paraît si simple que je n’y vois aucun prétexte de refus. Voilà bien du verbiage. Je me tais et je vous embrasse.

  1. Édition Courtat.