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Correspondance de Voltaire/1740/Lettre 1327

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Correspondance de Voltaire/1740
Correspondance : année 1740GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 35 (p. 492-493).

1327. — DE FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
Remusberg, 8 août.

Mon cher Voltaire, je crois que Van Duren vous coûte plus de soins et de peines que Henri IV. En versifiant la vie d’un héros, vous écriviez l’histoire de vos pensées ; mais, en harcelant un scélérat, vous joutez avec un ennemi indigne de vous être opposé. Je vous ai d’autant plus d’obligation de l’affection avec laquelle vous prenez mes intérèts à cœur, et je ne demande pas mieux que de vous en témoigner ma reconnaissance. Faites, donc rouler la presse, puisqu’il le faut, pour punir la scélératesse d’un misérable. Rayez, changez, corrigez, et remplacez tous les endroits qu’il vous plaira. Je m’en remets à votre discernement.

Je pars dans huit jours pour Dantzick, et je compte être, le 22, à Francfort. En cas que vous y soyez, je m’attends bien, à mon passage, de vous voir chez moi. Je compte pour sûr de vous embrasser à Clèves ou en Hollande.

Maupertuis est autant qu’engagé chez nous ; mais il me manque encore beaucoup d’autres sujets que vous me ferez plaisir de m’indiquer.

Adieu, charmant Voltaire ; il faut que je quitte ce qu’il y a de plus aimable parmi les hommes, pour disputer le terrain à toutes sortes de Van Duren politiques, qui, pour surcroit de malheurs, n’ont pas des carmes pour confesseurs[1].

Aimez-moi toujours, et soyez sûr de l’estime inviolable que j’ai pour vous.

Fédéric.

  1. Le jésuite Pollet était alors le confesseur du cardinal de Fleury, qui gouvernait Louis XV, confessé par le jésuite Taschereau de Lignières. (Cl.)