Correspondance de Voltaire/1741/Lettre 1394

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Correspondance de Voltaire/1741
Correspondance : année 1741GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 1).

1394. ‑ À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Bruxelles, ce 6 de janvier 1741.

Je suis arrivé à Bruxelles bien tard, mais le plus tôt que j’ai pu, mon cher ange gardien ; la Meuse, le Rhin et la mer, m’ont tenu un mois en route. Ne pensez pas, je vous en prie, que le voyage de Silésie ait avancé mon retour[1] ; quand on m’aurait offert la Silésie, je serais ici. Il me semble qu’il y a une grande folie à préférer quelque chose au bonheur de l’amitié. Que peut avoir de plus celui à qui la Silésie demeurera ?

Je suis obligé de m’excuser de mon voyage à Berlin auprès d’un cœur comme le vôtre : il était indispensable ; mais le retour l’était bien davantage. J’ai refusé au roi de Prusse deux jours de plus qu’il me demandait. Je ne vous dis pas cela par vanité il n’y a pas de quoi se vanter mais il faut que mon ange gardien sache au moins que j’ai fait mon devoir. Jamais Mme du Châtelet n’a été plus au-dessus des rois.

  1. Voltaire, vers le 3 décembre 1740, quitta Frédéric, qui ne partit que le 15 du même mois pour la conquête de la Silésie.