Correspondance de Voltaire/1741/Lettre 1420

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Correspondance de Voltaire/1741
Correspondance : année 1741GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 29-30).

1420. À M. THIERIOT.
Bruxelles, 13 mars.

J’allais vous écrire, lorsque je reçois votre lettre du 9. Votre santé me paraît toujours aussi faible que la mienne ; mais avec ces deux mots abstine et sustine, nous ne laissons pas de vivre. Après votre santé, c’est votre pension qui m’intéresse. Il est vrai qu’elle est de douze cents livres ; mais comme j’ai toujours espéré que Sa Majesté l’augmenterait, je ne vous ai jamais accusé la somme. La Silésie fait grand tort à la reine de Hongrie et à vous ; mais vous aurez certainement votre pension, et je serai fort étonné si l’héritière des Césars reprend sa Silésie. Il me semble que voici l’époque fatale de la maison d’Autriche, et super vestem suam miserunt sortem[1].

M. de Maupertuis m’a mandé qu’il pourrait faire un voyage. Je crois que Dumolard reviendra aussi.

Je ne doute pas que le roi de Prusse, en vous payant votre pension, ne vous paye les arrérages et ma grande raison, c’est que la chose est juste et digne de lui.

J’aurai l’honneur d’écrire à M. des Alleurs pour le remercier ; je ne manquerai pas aussi de remercier M. de Poniatowski[2].

Je vais écrire à l’abbé Moussinot pour qu’il fournisse un copiste mais, si vous en avez un, vous pouvez l’employer, et faire prix. L’abbé Moussinot le payera.

Il n’y aura qu’à mettre les papiers dans un sac de procureur au coche de Bruxelles, le tout ficelé, non cacheté cette voie est sûre. On ne s’avise jamais de dérober ce qui n’est d’aucun usage.

Je vous enverrai mon édition, moitié imprimée, moitié manuscrite, quand vous m’aurez dit comment il faut m’y prendre. Je n’ai que cet exemplaire-là.

Je voudrais bien qu’on ne s’empressât point tant de m’imprimer. J’ai de quoi fournir une édition presque neuve. J’ai tout corrigé, tout refondu. Je vais travailler entièrement l’Histoire de Charles XII, non-seulement sur les mémoires de M. de Poniatowski, mais sur l’Histoire que M. Nordberg, chapelain de Charles XII, va publier par ordre du sénat. Il faut donc me laisser un peu de temps. Je voudrais que lorsque j’aurai tout arrangé, et que je vous aurai mis en possession de ce que doit contenir l’édition nouvelle, vous vous en accommodassiez avec quelque libraire intelligent, afin que l’édition fût bien faite, et qu’elle pût vous être de quelque utilité.

Je vous prie de demander à l’agent du roi de Prusse, à qui je peux adresser à Hambourg une caisse pour Mme la margrave de Bareuth, sœur du roi. Je ne veux pas l’envoyer par la poste, comme en usa une fois monsieur son frère, lequel m’envoya un jour je ne sais quoi, qui me coûta deux cents francs de port.

Je suis fâché du départ de Mme de Bérenger. Je vous embrasse. Je vais faire réponse à Neaulme.

  1. Psaume xxi, 19 ; et Jean, xix, 24.
  2. Il venait de publier ses Remarques d’un seigneur polonais, dont il est question dans l’Avertissement de Beuchot, tome XVI, page 119.