Correspondance de Voltaire/1742/Lettre 1522

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Correspondance de Voltaire/1742
Correspondance : année 1742GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 148-149).

1522. — À M. LE CARDINAL DE FLEURY.
À Paris, ce 22 août.

Monseigneur, en partant pour Bruxelles, je reçois encore une lettre du roi de Prusse par laquelle il me réitère de lui aller faire ma cour incessamment. Je n’irai qu’en cas que le roi me le permette, et que Votre Éminence ait la bonté de m’envoyer son agrément.

Je vous supplie, monseigneur, de vouloir bien me l’envoyer à Bruxelles, sous le couvert de M. d’Agieu. Au reste, ce monarque aura la bonté de me rendre toutes les lettres que je lui ai écrites depuis le mois de juin, parafées de sa main et Votre Éminence verra si j’ai écrit celle qu’on m’a si cruellement imputée ; elle verra avec quelle malice noire elle est falsifiée, elle connaîtra mon innocence et l’infâme imposture sous laquelle j’ai été accablé. Je me flatte, monseigneur, que le roi, ayant été instruit de cette calomnie, le sera de ma justification. C’est une justice que j’ai droit d’attendre du plus équitable et du plus sage des hommes.

Je suis attaché personnellement à Votre Éminence, et on ne peut avoir eu l’honneur de lui parler sans lui être dévoué. C’est une fatalité pour moi que les seuls hommes qui aient voulu troubler votre heureux ministère soient les seuls qui m’aient persécuté, jusque-là que la cabale des convulsionnaires, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus abject dans le rebut du genre humain, a obtenu la suppression injurieuse d’un ouvrage public[1] honoré de votre approbation, et représenté devant les premiers magistrats de Paris.

Mais, monseigneur, je garde le silence sur cet article comme sur beaucoup d’autres, concernant le roi de Prusse je suis bien loin de chercher à me faire valoir.

a seule chose que je désire passionnément, c’est que Votre Éminence soit convaincue de mes sentiments pour elle, et de mon amour extrême pour ma patrie. Si vous daignez en persuader Sa Majesté, ce sera le comble à vos bontés.

Je vous souhaite, monseigneur, la longue prospérité qui doit être le fruit de tant de modération et de tant de sagesse.

J’ai l’honneur d’être, avec le plus profond respect, monseigneur, de Votre Éminence le très-humble, etc.

Voltaire.

  1. Voyez la lettre précédente.