Correspondance de Voltaire/1743/Lettre 1627

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Correspondance de Voltaire/1743
Correspondance : année 1743GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 266-267).

1627. — DE LA PRINCESSE ULRIQUE.
Berlin, ce 29 octobre.

C’est avec un vrai plaisir, monsieur, que j’ai reçu votre lettre[1]. Je me trouve fort embarrassée à y répondre. Ce n’est que la satisfaction de vous assurer de mon estime qui me fait sacrifier mon amour-propre. Je sais qu’il faudrait une autre plume et un esprit bien au-dessus du mien pour écrire à un homme tel que vous ; mais j’espère que vous aurez quelque indulgence pour les défauts du style, qui ne vous convaincra que trop que je ne suis point déesse, mais un être des plus matériels. Je ne veux pas vous priver plus longtemps de ce qui vous sera le plus agréable : ce sont les marques de bonté de la reine ma mère, qui m’ordonne de vous assurer de son estime. Elle vous enverra la boite et les portraits ; et vous les auriez dejà reçus si le peintre avait été plus diligent.

Ma sœur[2] implore le secours d’Euterpe pour animer les enfants de Terpsichore. La composition de la musique des ballets est à présent son occupation. Comme vous êtes le favori des neuf Sœurs, je vous prie d’intercéder en sa faveur, pour la réussite de son ouvrage. Par reconnaissance, je ferai des vœux pour l’accomplissement de votre bonheur, que vous faites consister à finir vos jours ici. J’y trouverai mon compte, ayant alors plus souvent le plaisir de vous assurer de l’estime et de la considération avec laquelle je suis votre affectionnée

Ulrique.

  1. Cette lettre n’a pas été retrouvée.
  2. Anne-Amélie, née le 9 novembre 1723, morte le 30 mars 1787, quelques mois après Frédéric II, qui avait pour elle une affection particulière. Les madrigaux imprimés dans les Poésies mêlées, tome X, sont des hommages rendus à sa beauté. La princesse Amélie, qui fut abbesse de Quedlinbourg vers 1762, avait un talent très-distingué en musique, sous le rapport de la composition.