Correspondance de Voltaire/1743/Lettre 1628

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Correspondance de Voltaire/1743
Correspondance : année 1743GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 267).

1628. — À MADAME DE CHAMPBONIN.

Ma chère amie, mon corps a voyagé, mon cœur est toujours resté auprès de Mme du Châtelet et de vous. Des conjonctures qu’on ne pouvait prévoir m’ont entraîné à Berlin malgré moi. Mais rien de ce qui peut flatter l’amour-propre, l’intérêt et l’ambition, ne m’a jamais tenté. Mme du Châtelet, Cirey, et le Champbonin, voilà mes rois et ma cour, surtout lorsque gros chat viendra serrer les nœuds d’une amitié qui ne finira qu’avec ma vie. Être libre et être aimé, c’est ce que les rois de la terre n’ont point. Je suis bien sûr que gros chat m’a rendu justice. Mon cœur lui a toujours été ouvert. Elle savait bien qu’il préférait ses amis aux rois. J’ai essuyé un voyage bien pénible ; mais le retour a été le comble du bonheur. Je n’ai jamais retrouvé votre amie si aimable, ni si au-dessus du roi de Prusse. Nous comptons bien vous revoir cet été, gros chat ; je vous tiendrai des heures entières dans ma galerie, et Mme du Châtelet le trouvera bon, s’il lui plaît. M. le marquis du Châtelet va à Paris, et de là à Cirey ; Mme du Châtelet et moi l’accompagnons jusqu’à Lille, où est ma nièce, cette nièce qui devait être votre fille[1]. Adieu, gros chat.

  1. Mlle Mignot l’ainée, que Voltaire avait voulu marier, en 1137, au fils de Mme de Champbonin, et qui, en 1738, avait épousé M. Denis.