Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1703

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Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 346-347).

1703. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.

Mon cher ange gardien, vous ne réussissez qu’à vous faire adorer et à me faire trembler ; mais il sera bien difficile que vous puissiez empêcher qu’on ne hasarde la petite pièce avec Jules César. On ne ferrait jamais rien dans ce monde, dans aucun genre, si on ne hasardait pas un peu. Pourvu que je ne risque point de perdre votre estime et votre amitié, et celle de Mme  d’Argental, je peux hasarder tout le reste : car qu’est-ce que le reste ?

Le roi m’a accordé verbalement la première charge vacante de gentilhomme ordinaire de sa chambre, et, par brevet, la place d’historiographe, avec deux mille francs d’appointements. Me voilà engagé d’honneur à écrire des anecdotes ; mais je n’écrirai rien, et je ne gagnerai pas mes gages.

Adieu, ange de paix ; ne soyez pas un ange de mauvais augure ; vous n’êtes fait que pour annoncer le bonheur.

Songez, je vous prie, à faire en sorte que je ne sois pas brouillé avec M. le duc d’Aumont parce que La Noue ressemble au petit singe de la cheminée de Mme  de Tencin.

Sub umbra alarum tuarum[1].

  1. Psaume xvi, v. 8.