Correspondance de Voltaire/1745/Lettre 1752

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Correspondance de Voltaire/1745
Correspondance : année 1745GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 384-385).

1752. — À BENOIT XIV, PAPE[1].
Parigi, 17 agosto.

Beatissimo Padre, ho ricevuto coi sensi della più profonda venerazione, e della gratitudine la più viva, i sacri medaglioni de’quali Vostra Santità s’è degnata onorarmi. Sono degni del bel secolo dei Trajani ed Antonini ; ed è ben giusto che un sovrano amatore riverito al par di loro, abbia le sue medaglie perfettamente come le loro lavorate. Teneva e riveriva io nel mio gabinetto una stampa di Vostra Beatitudine, sotto la quale ho preso l’ardire di scrivere :


Lambertinus hic est, Romæ decus et pater orbis,
Qui scriptis mundum docuit[2], virtutibus ornat.

Questa inscrizione, che almeno è giusta, fu il frutto della lettura che avevo fatta del libro con cui Vostra Beatitudine ha illustrata la Chiesa e la letteratura ; ed ammiravo come il nobil fiume di tanta erudizione non fosse stato turbato dal tanto turbine degli affari.

Mi sia lecito, Beatissimo Padre, di porgere i miei voti con tutta la cristianità, e di domandare al cielo che Vostra Santità sia tardissimamente ricevuta tra que’ santi dei quali ella, con si gran fatica e successo, ha investigato la canonizzazione[3].

Mi conceda di baciare umilissimamente i sacri suoi piedi, e di domandarle, col più profondo rispetto, la sua benedizione.

Di Vostra Beatitudine il divotissimo, umilissimo ed obbligatissimo servitore[4].

Voltaire.

  1. Prosper Lambertini, né le 13 mars 1675, fut nommé évêque en 1727, et cardinal en 1728. Élu pape, malgré les intrigues du cardinal de Tencin, le 17 auguste 1740, il prit alors le nom de Benoît XIV, et choisit ses ministres entre les hommes les plus éclairés et les plus vertueux, tels que les cardinaux Silvio Valenti, Passionei, et Querini, avec lesquels Voltaire fut en correspondance. Ce pontife, qui joignait à une grande gaieté d’esprit beaucoup d’austérité dans ses mœurs, mourut le 3 mai 1758. Ce fut aussi le 17 auguste 1745, jour anniversaire de l’exaltation de Benoît XIV, que Voltaire lui dédia la tragédie de Mahomet. (Cl.) — Il faut voir en tête de la tragédie de Mahomet (tome III du Théâtre, p. 101-105), la lettre de Voltaire à Benoît XIV (17 août 1745), la réponse de Benoît XIV (19 septembre 1745), et la lettre de remerciement de Voltaire.
  2. Var. Edocuit, dans les lettres de Mme  de Grat1igny.
  3. Benoît XIV a composé un Traité de la Béatification et de la Canonisation. (Cl.)
  4. Traduction : Très-bien heureux Père, j’ai reçu avec les sentiments de la plus profonde vénération et de la gratitude la plus vive les sacrés médaillons dont Votre Sainteté a daigné m’honorer. Ils sont dignes du beau siècle des Trajans et des Antonins, et il est bien juste qu’un souverain amateur, révéré à l’égal de ces empereurs, ait ses médailles comme les leurs, parfaitement travaillées. J’avais et je révérais dans mon cabinet une estampe de Votre Béatitude sous laquelle j’ai pris la hardiesse d’écrire
    Lambertinus hic est, etc.
    Cette inscription, qui au moins est juste, fut le fruit de la lecture que j’avais faite du livre par lequel Votre Béatitude a illustré l’Église et la littérature ; j’avais admiré comment le noble fleuve d’une si grande érudition n’avait pu être troublé par un tel tourbillon d’affaires. Qu’il me soit permis, très-bienheureux Père, de présenter mes vœux avec toute la chrétienté, et de demander au ciel que Votre Sainteté soit très-tardivement reçue parmi ces saints dont elle a, avec beaucoup de fatigue, mais aussi avec beaucoup de succès, poursuivi la canonisation. Que j’aie la grâce de baiser très-humblement ses sacrés pieds, et de lui demander avec le plus profond respect sa bénédiction. De Votre Béatitude le très-dévoué, très-humble et très-obligé serviteur.