Correspondance de Voltaire/1746/Lettre 1814

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Correspondance de Voltaire/1746
Correspondance : année 1746GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 443).

1814. — À M. DE VAUVENARGUES.
Versailles, 13 mai.

J’ai usé, mon très-aimable philosophe, de la permission que vous m’avez donnée. J’ai crayonné un des meilleurs livres[1] que nous ayons en notre langue, après l’avoir relu avec un extrême recueillement. J’y ai admiré de nouveau cette belle âme si sublime, si éloquente, et si vraie, cette foule d’idées neuves ou rendues d’une manière si hardie, si précise, ces coups de pinceau si fiers et si tendres. Il ne tient qu’à vous de séparer cette profusion de diamants de quelques pierres fausses ou enchâssées d’une manière étrangère à notre langue. Il faut que ce livre soit excellent d’un bout à l’autre. Je vous conjure de faire cet honneur à notre nation et à vous-même, et de rendre ce service à l’esprit humain. Je me garde bien d’insister sur mes critiques ; je les soumets à votre raison, à votre goût, et j’exclus l’amour-propre de notre tribunal. J’ai la plus grande impatience de vous embrasser. Je vous supplie de dire à notre ami Marmontel qu’il m’envoie sur-le-champ ce qu’il sait bien. Il n’a qu’à l’adresser, par la poste, chez M. d’Argenson, ministre des affaires étrangères, à Versailles. Il faut deux enveloppes, la première à moi, la dernière à M. d’Argenson.

Adieu, belle âme et beau génie.

  1. L’Introduction à la connaissancede l’esprit humain, ouvrage cité plus haut.