Correspondance de Voltaire/1748/Lettre 1920

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Correspondance de Voltaire/1748
Correspondance : année 1748GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 36 (p. 538).
1920. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL,
à paris.
Octobre.

Mme  de Pompadour a plus fait que la reine. Elle me fait dire, mon cher et respectable ami, que l’infamie ne sera certainement point jouée. Je me flatte qu’étant défendue à la cour elle ne sera pas permise à la ville, et que M. le duc d’Aumont insistera sur une suppression de cinq ou six années, après laquelle il serait bien odieux de renouveler un scandale qu’on a eu tant de peine à déraciner. J’ai écrit deux fois à M. le duc d’Aumont ; il s’agirait de mettre M. de Maurepas dans nos intérêts. Empêchons la parodie à Paris comme à la cour. Il faut assurément ôter à la cabale ce misérable sujet d’un si honteux triomphe. Pour réponse à toutes ces tracasseries, je vous enverrai incessamment un nouveau cinquième acte[1] ; c’est là le point principal.

Quand mes anges parlent, l’auteur de Sémiramis doit se taire. Je reçois dans ce moment un très-beau mémoire de monsieur le coadjuteur[2] contre les parodies, appuyé d’un mot de M. d’Argental. Je ne peux répondre à présent que par les plus grands remerciements. Je n’épargnerai point assurément mes peines pour mériter des bontés si continues, si vives, et si encourageantes. J’avais encore, par la dernière poste, envoyé de la Malgrange quelques rogatons ; mais tenons tout cela pour non avenu, et attendons qu’après avoir travaillé à tête reposée je vienne travailler sous vos yeux à Paris, vers le milieu de décembre[3]. Les travaux les plus difficiles deviennent des plaisirs quand on a pour critiques des amis si tendres et si éclairés.

Mme  du Châtelet vous fait mille tendres compliments, et moi, j’attends des moyeux : cela est bien autrement intéressant que Sémiramis. Or dites-moi, respectable ami, si vous êtes content de mon procédé avec M. l’abbé de Bernis. Daignez-vous faire usage des mémoires dont je vous ai assassiné ? Pardonnez-moi mes vers, mes mémoires, mes fatigantes importunités, je travaille à mériter d’être toujours gardé par vous ; je ne sais si j’en serai digne. Adieu, tous les chers anges gardiens.

  1. De Sémiramis.
  2. L’abbé de Chauvelin voyez une note de la lettre 1902.
  3. Voltaire ne revint à Paris, par Cirey, que dans la première quinzaine de février 1749.