Correspondance de Voltaire/1750/Lettre 2132
Vous êtes roi sévère, et citoyen humain[1] ;
Vous l’avez dit ; la chose est véritable.
Comme roi, je vous sers ; vous m’admettez à table
En qualité de citoyen ;
Et comme un être fort humain,
Vous excusez un misérable
Qui ne put assister à ce souper divin,
Par la raison qu’il souffrait comme un diable.
Daignez, grand homme, daignez, sire, me pardonner. Je ne vous dirai pas : Plaignez-moi, car je ne souffre pas plus ici qu’ailleurs, et j’y suis beaucoup plus heureux. On est heureux par l’enthousiasme, et vous savez si vous m’en inspirez. Vous, sire, et le travail, voilà tout ce qu’il faut à un être pensant. Continuez à faire de beaux vers, mais ne mettez jamais la tragédie de Sèmiramis en opéra italien, quand même madame la margrave vous en prierait : c’est un ouvrage diabolique.
Quelque jour vous ferez Conradin en trois actes, et nous la jouerons.
Je me prosterne devant votre sceptre, votre lyre, votre plume, votre épée, votre imagination, votre justesse d’esprit, et votre universalité.
- ↑ Voyez ci-après une note de la lettre 2159.