Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2262

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Correspondance de Voltaire/1751
Correspondance : année 1751, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 302).

2262. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.

Sire, je rends à Votre Majesté ce premier volume. Ce n’est pas moi qui l’ai couvert d’encre. Un petit mot de réflexion sur la misère de l’esprit humain. J’ai refait aujourd’hui, de cinq manières différentes, un petit passage de la Henriade, sans pouvoir jamais retrouver la manière dont je l’avais tourné il y a un mois, Qu’est-ce que cela prouve ? Que le génie n’est jamais le même, qu’on n’a jamais précisément la même pensée deux fois en sa vie, qu’il faut attendre continuellement le moment heureux. Quel chien de métier ! mais il a ses charmes, et la solitude occupée est, je crois, la vie la plus heureuse.

Mon pauvre génie tout usé baise très-humblement les pieds et les ailes du vôtre.