Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2306
Dear sir, the printers at Berlin are not so careful and so diligent in working for me, as you are beneficent and ready to favour your friends. They have not yet finished their edition ; and I am afraid the winter season will not be convenient to direct to you, by the way of Hamburgh, the tedious lump of books I have threatened you with. However I shall make use of your kind benevolence towards your hold friend, as soon as possible. I wish I could carry the paquet myself, and enjoy again the consolation to see you, to pay my respects to your family, and be the witness of your happiness.
Methings fortune uses you as you deserve : you are like to be the secretary and the confident not of a prince, merely a prince, but of régent of three kingdoms. For my part, I am in my humble way more fortunate than I could ever eope to be. I live with a powerful king, who is no king at all to the few men he converses with him : I enjoy all my time, road, scribble and cultivate my mind. I live free near a king, and I am paid for being happy. We have in our royal and philosophical retreat some foreigners learned and witty, who are very good company. Our days are quiet, and our conversations cheerful.
I think there is no such a court in the world ; for it is no a court at all, except some days, in the winter, dedicated to pageantry and to princely vanity ; but in those days of turbulent magnificence, I loch myself up carefully at home. Thus I saunter away my old age, till my distempers, wich I humour as much as I can, make me utterly unfit for kings ; and then I shall take my leave from the noblest and the most easy slavery. But, should I live with you, I would not part. One may grow old and doat with a friend, but not with a king.
Farewell, my dear good sir, my dearest friend. I am, from the bottom of my heart, yours for ever[2].
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.
- ↑ Traduction : Cher monsieur, les imprimeurs de Berlin ne sont pas aussi soigneux ni aussi diligents, en travaillant pour moi, que vous êtes bienveillant et empressé pour vos amis. Ils n’ont pas encore fini leur édition ; et je crains que l’hiver ne soit pas une saison propice pour vous envoyer, par la route de Hambourg, l’ennuyeux tas de livres dont je vous ai menacé. Cependant je profiterai de vos bontés pour votre vieil ami, aussitôt que possible. Je voudrais pouvoir porter moi-même le paquet, et jouir encore de la consolation de vous voir, présenter mes respects à votre famille, et être témoin de votre bonheur.
Il me semble que la fortune vous traite comme vous le méritez : vous m’avez tout l’air de devenir le secrétaire et le confident, non-seulement d’un prince, mais d’un régent de trois royaumes. Quant à moi, je suis dans mon humble destin plus heureux que je n’aurais pu l’espérer jamais. Je vis avec un puissant roi, qui n’est pas roi du tout pour le petit nombre de personnes qu’il admet à son entretien. Je n’ai rien autre chose à faire qu’à souper avec lui ; je jouis de tout mon temps, je lis, griffonne, et cultive mon esprit. Je vis libre auprès d’un roi, et je suis payé pour être heureux. Nous avons dans notre royale et philosophique retraite, quelques étrangers savants, spirituels, qui sont de très-bonne compagnie. Nos jours sont tranquilles et nos conversations pleines d’agrément.
Je crois qu’il n’existe pas une pareille cour dans le monde, car ce n’est pas du tout une cour, excepté quelques jours d’hiver, consacrés à la représentation et aux vanités royales. Mais, pendant ces jours de tumultueuse magnificence, j’ai bien soin de m’enfermer chez moi. C’est ainsi que je passe ma vieillesse jusqu’à ce que mes maux, que j’égaye autant que je peux, me rendent tout à fait incommode auprès des rois. Alors je prendrais congé du plus noble et du plus doux esclavage. Mais si je vivais avec vous, je ne m’en séparerais pas. On peut vieillir et radoter avec un ami, mais non avec un roi.
Adieu, mon cher bon monsieur, mon plus cher ami ; je suis, du fond de mon cœur, à vous pour jamais.