Correspondance de Voltaire/1751/Lettre 2313
Sire, comme vos ouvrages sont plus tentants que les miens, il pourra bien quelque jour arriver à Votre Majesté ce qui m’arrive. À mesure qu’on imprimait, chez Henning[1] les feuilles du Siècle de Louis XIV, on les envoyait à Francfort-sur-l’Oder. Non-seulement on y débite le livre publiquement, mais l’ouvrage est plein de fautes absurdes. Je ne parle pas de la perte que j’essuie ; mais le pauvre Francheville perd tout le prix de six mois de peine, et je suis déshonore par une friponnerie de libraire. Les fins d’année ne me sont pas heureuses. Mais je vous ai consacré ma vie, et avec cela on n’est point à plaindre.
Votre Majesté peut, d’un mot, non-seulement faire arrêter le libraire à Francfort, faire saisir son édition, et savoir d’où vient le vol, mais donner ordre qu’on examine sur le chemin de Leipsick les voitures de Francfort qui contiendront des livres, et qu’on saisisse celui qui portera le titre de Siècle de Louis XIV. Car le libraire de Francfort-sur-l’Oder envoie sans doute son vol à Leipsick.
Votre Majesté sait mieux que moi ce qu’elle doit faire, mais j’attends tout de sa justice et de ses bontés. Je me jette à ses pieds, et entre les bras de sa philosophie. Mais je compte bien plus sur votre protection.
Souffrez, sire, que je renouvelle à Votre Majesté, à la fin de cette année, les sentiments du profond respect et de la tendresse qui m’attachent à elle.
- ↑ Voyez la lettre 2276.