Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2342

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Correspondance de Voltaire/1752
Correspondance : année 1752, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 381-382).

2342. — À M. LEKAIN[1].
Potsdam, 5 mars 1752.

Une maladie assez longue et assez dangereuse, monsieur, dont je ne suis pas encore bien remis, ne me permet pas de vous répondre de ma main. Je suis bien étonné d’apprendre par votre lettre que vous n’avez eu que depuis peu vos lettres de réception[2]. J’ai connu des acteurs qui étaient excellents pour moucher les chandelles, et qui furent reçus à une part entière dès qu’ils parurent. Pour vous, vous vous êtes borné à faire les délices du public ; il faudra bien que les grâces de la cour viennent ensuite. Mais il y a plus d’un métier dans lequel ou travaille pour des ingrats. Au reste, je ne serais point surpris que Rome sauvée ne fût perdue. Cicéron était fort bon pour la tribune aux harangues ; mais je doute qu’il réussisse auprès des belles dames de vos premières loges, et le parterre n’est pas toujours composé de Romains.

Je vous prie de faire bien des compliments à votre ami. Je compte que cette lettre lui servira de réponse. Vous ne doutez pas de mon envie de lui rendre service ; mais les circonstances présentes et le grand nombre des surnuméraires rendent la chose impraticable. Il me paraît avoir un mérite fait pour percer dans Paris, si les talents réussissent. Je vous embrasse de tout mon cœur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Du 24 janvier 1752.