Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2366

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Correspondance de Voltaire/1752
Correspondance : année 1752, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 414).

2366. — DE MADAME LA MARGRAVE DE BAIREUTH.
Le 20 avril.

La pénitence que vous vous imposez a achevé de fléchir mon courroux. Je n’avais pu encore oublier votre indifférence. Il ne fallait pas moins qu’un pèlerinage à Notre-Dame de Baireuth pour effacer votre péché. Frère Voltaire sera pardonné à ce prix. Il sera le bienvenu ici, et y trouvera des amis empressés à l’obliger et à lui témoigner leur estime. Je doute encore de l’accomplissement de vos promesses. Le climat d’Allemagne a-t-il pu en si peu de temps réformer la légèreté française ? Les voyages de France et d’Italie, réduits en châteaux en Espagne, me font craindre le même sort pour celui-ci. Soyez donc archi-Germain dans vos résolutions, et procurez-moi bientôt le plaisir de vous voir.

Quoique absent, vous avez eu la faculté de m’arracher des larmes. J’ai vu, hier, représenter votre faux prophète[1] Les acteurs se sont surpassés, et vous avez eu la gloire d’émouvoir nos cœurs franconiens, qui, d’ailleurs, ressemblent assez aux rochers qu’ils habitent.

Le marquis d’Adhémar a fait écrire, il y a quatre semaines, à M. de Folard[2]. J’ai oublié de vous le mander dans ma dernière lettre. Vous jugez bien que ses offres ont été reçues avec plaisir. Montperny lui a écrit en conséquence. J’espère qu’il sera content des conditions. Elles sont plus avantageuses que celles qu’il avait désirées. Elles consistent en 4,000 livres, la table, et l’entretien de ses équipages. Je vous prie d’achever votre ouvrage, et de faire en sorte qu’il soit bientôt fini : je vous en aurai une grande obligation. Vous savez que le titre qu’il demande n’est point usité en Allemagne. Comme il répond à celui de chambellan, il aura ce titre auprès de moi. Le temps m’empêche de vous en dire davantage aujourd’hui. Soyez persuadé que je serai toujours votre amie.


Wilhelmine.

  1. La tragédie de Mahomet.
  2. Sans doute l’un des neveux du commentateur de Polybe.