Correspondance de Voltaire/1752/Lettre 2379

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Correspondance de Voltaire/1752
Correspondance : année 1752, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 427).

2379. — À M. L’ABBÉ D’OLIVET.
Au château de Potsdam, le 25 mai.

Vous souvenez-vous encore de moi, mon cher confrère ? Voici un jeune homme que le roi de Prusse fait voyager pour étudier Cicéron et Démosthène. À qui dois-je mieux l’adresser qu’à vous ? C’est le fils d’un homme illustre dans la littérature, de M. de Beausobre, philosophe, quoique ministre protestant, auteur de l’excellente Histoire du Manichéisme, et le plus tolérant de tous les chrétiens. Le roi de Prusse, qui avait de l’estime pour ce savant homme, daigne servir de père au fils qu’il a laissé, et à qui il n’a rien laissé. Je le loge chez moi, à Paris ; c’est un devoir que m’impose la reconnaissance que je dois à un roi qui fait plus pour moi qu’aucun monarque n’a jamais fait pour aucun homme de lettres. Je n’ai ici d’autre chagrin que celui de n’avoir pas besoin des honneurs et des bienfaits dont le roi me comble. Vous voyez que mes peines sont légères. Voilà comme il faut sortir de France, et non pas comme votre ami Rousseau. Si vous pouvez rendre quelque service au jeune M. de Beausobre, en grec, en latin, ou en français, vous obligerez votre véritable serviteur, qui vous aimera toujours.