Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2497

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Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753, Texte établi par Condorcet, GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 37 (p. 552).

2497. — À FRÉDÉRIC II, ROI DE PRUSSE.
(2 janvier.)

Sire, ce n’est sans doute que dans la crainte de ne pouvoir plus me montrer devant Votre Majesté que j’ai remis à vos pieds des bienfaits qui n’étaient pas les liens dont j’étais attaché à votre personne. Vous devez juger de ma situation affreuse, de celle de toute ma famille. Il ne me reste qu’à m’aller cacher pour jamais, et déplorer mon malheur en silence. M. Fredersdorff[1], qui vient me consoler dans ma disgrâce, m’à fait espérer que Votre Majesté daignerait écouter envers moi la bonté de son caractère, et qu’elle pourrait réparer par sa bienveillance, s’il est possible, l’opprobre dont elle m’a comblé. Il est bien sûr que le malheur de vous avoir déplu n’est pas le moindre que j’éprouve. Mais comment paraître ? Comment vivre ? Je n’en sais rien. Je devrais être mort de douleur. Dans cet état horrible, c’est à votre humanité à avoir pitié de moi. Que voulez-vous que je devienne et que je fasse ? Je n’en sais rien. Je sais seulement que vous m’avez attaché à vous depuis seize années. Ordonnez d’une vie que je vous ai consacrée, et dont vous avez rendu la fin si amère. Vous êtes bon, vous êtes indulgent, je suis le plus malheureux homme qui soit dans vos États ; ordonnez de mon sort.

  1. Favori et trésorier privé de Frédéric.