Correspondance de Voltaire/1753/Lettre 2669

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Correspondance de Voltaire/1753
Correspondance : année 1753GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 145-146).

2669. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Colmar, le 4 décembre.

J’ai vu M. le baron d’Hattsatt[1], madame. Tout ce qui vous appartient me paraît bien aimable, et redouble le tendre intérêt que j’ai pris si longtemps à tant de malheurs. Madame la première présidente[2] daigna venir voir le pauvre goutteux avant de partir pour Paris. Je vous dois les bontés dont votre respectable famille m’honore. Mais pourquoi faut-il que je sois loin de vous ? Les maux me clouent à Colmar, et la goutte est encore un surcroît de mes souffrances, sans en avoir diminué aucune. Il n’y a que les sentiments qui m’attachent à vous qui puissent me donner la force d’écrire.

Remerciez bien, madame, la nature et votre sagesse, qui vous ont conservé la santé. Quand les maladies se joignent aux maux de l’âme, quelle ressource reste-t-il ? La vie alors n’est qu’une longue mort. Et combien de gens sont dans cet état ! On ne les voit point, parce que les malheureux se cachent. Ceux qui sont dans l’âge des illusions se montrent, et font la foule, en attendant que leur tour vienne de souffrir et de disparaître. Les moments heureux que j’ai passés dans votre solitude ne reviendront-ils point ? Conservez-moi du moins votre souvenir. Je présente le même placet à votre amie[3]. Je ne sais aucune nouvelle. J’ai renoncé à tout, hors à vous être bien tendrement attaché.

  1. L’un des neveux de Mme de Lutzelbourg.
  2. Mme de Klinglin, née Montjoie d’Hémericourt.
  3. Mme de Brumath.