Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2697

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 173).
2697. — DU PÈRE DE MENOUX[1].
Nancy, le 23 février 1754.

Je suis flatté, monsieur, de l’honneur de votre souvenir. L’état de votre santé me touche et m’alarme. Ce que vous me mandez du père. Merat me surprend d’autant plus que, pendant deux ans que je l’ai vu ici, il s’est toujours comporté en homme sage et modéré. Depuis qu’il n’est plus de ma communauté, je n’ai aucune autorité sur lui. Je vais pourtant lui écrire, et je lui communiquerai votre lettre. Peut-être, vous, vous a-t-on fait des rapports peu fidèles, ou peut-être lui sera-t-il revenu à lui-même quelque chose qui l’aura indisposé contre vous ; et, de bonne foi, monsieur, comment voulez-vous que des gens dévoués comme nous à la religion, par conviction, par devoir, par zèle, se taisent toujours, quand ils entendent attaquer sans cesse la chose du monde qu’ils envisagent comme la plus sacrée et la plus salutaire ? Voilà cependant ce que l’on voit souvent dans les écrits répandus sous votre nom, et récemment dans le prétendu Précis de l’Histoire universelle. Je me suis toujours étonné qu’un aussi grand homme que vous, qui à tant d’admirateurs, n’ait pas encore trouvé un ami. Si vous m’aviez cru, vous vous seriez épargné cette foule de chagrins qui ont troublé la gloire et la douceur de vos jours. Je sens quelquefois couler mes larmes en lisant vos ouvrages ; plus je les admire, plus je vous plains. Ah ! si Dieu pouvait exaucer mes vœux… Que ne puis-je vous estimer autant que je vous aime !

  1. Dernier Volume des œuvres de Voltaire, 1862.