Correspondance de Voltaire/1754/Lettre 2837

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Correspondance de Voltaire/1754
Correspondance : année 1754GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 308-309).

2387. — DE CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.
Manheim, le 29 décembre.

Je vous suis bien obligé, monsieur, de la part que vous avez prise à la maladie que j’ai essuyée, et qui m’a empêché de répondre à vos dernières lettres[1]. Dans l’état où j’étais, je n’aurais pu qu’à peine signer ma dernière volonté. Dans cette triste situation, je me faisais lire Zadig ; et si les chapitres de Misouf, du nez coupé, et des mages corrompus par une femme qui voulait sauver Zadig, m’ont égayé, celui de l’ermite et les réflexions de Zadig avec le vendeur de fromage à la crème, m’ont fait supporter avec moins d’impatience une fièvre chaude continue qui a duré vingt-six jours.

L’article de Pic de La Mirandole[2] me parait très-bien traité, et les réflexions sont aussi justes qu’elles puissent l’être. Je ne sais si vous n’excusez pas trop les usurpations, ainsi dites, sous les premiers empereurs. Il est sûr qu’ils confiaient la direction de quelques provinces à ceux qui possédaient les premières charges de leur cour, et que leur intention n’était certainement pas de laisser ces pays à ceux qui les gouvernaient, et encore moins de les rendre héréditaires dans leurs familles. Vous avez très-raison de dire que les Allemands avaient des princes avant que d’avoir des empereurs ; mais ce ne sont, autant qu’il m’en souvient, ni ces princes ni leurs successeurs qui se sont remis en possession de leurs anciennes dominations. Je plaide contre ma propre cause ; mais, par bonheur, beati possidentes.

J’attends avec bien de l’empressement le nouvel ouvrage[3] d’histoire qui doit être conduit jusqu’à nos jours ; mais j’ai bien plus d’impatience d’en revoir l’auteur, et de l’assurer de la parfaite estime qui lui est due. Je suis, etc.


Charles-Théodore, électeur.

  1. Perdues, ou restées inconnues, comme plusieurs autres lettres de Voltaire à l’électeur Palatin.
  2. Voyez tome XII, page 180, chapitre cix, qui, dans les premières éditions était le lxxxviii.
  3. Voyez la lettre 2785.