Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 2844
Votre prose, monsieur, est aussi obligeante que vos vers sont agréables. On ne peut être plus sensible que nous le sommes, ma nièce et moi, à vos bontés. Vous avez été témoin, à Colmar et à Plombières, du cruel état de ma santé ; elle est devenue encore plus mauvaise. Tous les médecins de Lyon m’avaient conseillé les bains d’Aix en Savoie ; mais les médecins de Genève ont voulu absolument que j’attendisse une saison plus favorable. Je ne connais qu’une belle saison, monsieur : ce serait celle qui me rapprocherait de vous et de M. de La Marche. Je passerai cet hiver avec ma garde-malade dans un très-magnifique château vis-à-vis Ripaille[2] ; nous sommes bien loin de faire ripaille, et encore plus loin de la papauté qu’attrapa le duc ermite Amédée. Je suis condamné à la solitude et au régime par des maux intolérables qui m’empêchent de vous écrire de ma main. Conservez-moi votre amitié, et recevez les tendres sentiments de la reconnaissance et de l’attachement avec lesquels je serai toute ma vie, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur. V.