Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 3005

La bibliothèque libre.
Correspondance de Voltaire/1755
Correspondance : année 1755GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 38 (p. 453).

3005. — À M. LE MARQUIS DE THIBOUVILLE.

Les Pucelles me font plus de mal, mon cher Catilina, que les Chinoises ne me font de plaisir. Ma vie est celle d’Hercule ; je n’en ai ni la taille ni la force, mais il me faut, comme lui, combattre des monstres jusqu’au dernier moment. Si on en croyait la calomnie, je finirais par être brûlé comme lui. On applaudit Mlle  Clairon, et on a grande raison ; mais on me persécute jusqu’au tombeau et jusqu’au pied des Alpes ; et, en vérité, on a grand tort. Puisque nos Chinois ont été assez bien reçus à Paris, dites donc à M. d’Argental qu’il vous donne la Pucelle à lire pour la petite pièce. Quand verrons-nous votre tragédie[1], votre roman ? Ces amusements-là valent assurément mieux que les riens sérieux dans lesquels les oisifs de Paris passent leur vie. Ils oublient qu’ils ont une âme, et vous cultivez la vôtre ; qu’elle ne perde jamais ses sentiments pour Mme  Denis et pour moi. Vous n’avez point d’amis plus tendres.

  1. Probablement Namir ; voyez lettre 2784.