Correspondance de Voltaire/1755/Lettre 3024
En arrivant, monsieur, de la campagne, où j’ai passé cinq ou six jours, je trouve votre billet, qui me tire d’une grande perplexité : car, ayant communiqué à M. de Gauffecourt, notre ami commun, votre lettre[1] et ma réponse, j’apprends à l’instant qu’il les a lui-même communiquées à d’autres, et qu’elles sont tombées entre les mains de quelqu’un qui travaille à me réfuter, et qui se propose, dit-on, de les insérer à la fin de sa critique. M. Bouchaud[2], agrégé en droit, qui vient de m’apprendre cela, n’a pas voulu m’en dire davantage ; de sorte que je suis hors d’état de prévenir les suites d’une indiscrétion que, vu le contenu de votre lettre, je n’avais eue que pour une bonne fin.
Heureusement, monsieur, je vois par votre projet que le mal est moins grand que je n’avais craint. En approuvant une publication qui me fait honneur, et qui peut vous être utile, il me reste une excuse à vous faire sur ce qu’il peut y avoir eu de ma faute dans la promptitude avec laquelle ces lettres ont couru sans votre consentement ni le mien.
Je suis avec les sentiments du plus sincère de vos admirateurs, monsieur, etc.
Je suppose que vous avez reçu ma réponse du 10 de ce mois.