Correspondance de Voltaire/1756/Lettre 3100
En vous remerciant de votre souvenir, mon ancien ami. Si vous voulez me voir, comme vous le dites, dans le sein de ma famille, venez aux Délices ; j’y ai déjà une nièce que vous aimez, et j’en aurai une autre dans quelque temps. Je vous mènerai d’un bout du lac de Genève à l’autre, et je vous ferai faire très-bonne chère aux Délices et à Monrion. Vous mangerez des truites aussi grosses que vous, et qui vous donneront des indigestions. Vous verrez des gens très-instruits et de beaucoup d’esprit ; vous vous promènerez dans de grands et beaux jardins, d’où on voit le lac et le Rhône ; vous aurez de la musique, et vous verrez qu’il ne me manque que de la santé.
Malgré cela, vous ne viendrez pas chez moi, ni moi chez vous ; c’est bien assez que je vous donne des Orphelins de la Chine. Vous m’avouerez que cela est d’un bon cœur ; mais il n’y a pas d’apparence que je fasse souvent de ces présents-là à Paris. Je suis malingre et épuisé, et il ne me reste qu’à finir paisiblement ma vie dans le plus agréable séjour que j’aie pu choisir sur la terre ;
j’y aimerai toujours mes amis, et vous serez au premier rang.
- ↑ Éditeurs, de Cayrol et François.